Nous l’avons dit et avons déjà eu un premier aperçu dans l’article 1 « Que sont les champignons – La mycetée ou l’odyssée des champignons ». Comprendre quels ont pu être les chemins et les bifurcations empruntés par les champignons tout au long de leur histoire est une tâche bien compliquée.
Cependant, comprendre l’étendue de leur impact biologique dans le monde actuel – sans se perdre dans le manque d’ordre flagrant – ne l’est pas moins. Mais pourquoi les tentatives de classification des champignons sont-elles aussi floues ?
Une famille compliquée
La déclassification des classifications et la classification des déclassifications
Premièrement, parce que, si plus de 100 000 espèces de champignons ont été recensées, il est estimé qu’il pourrait y en avoir en réalité plus d’1,5 milliards.
Deuxièmement, parce qu’en raison de leur immense diversité, il est difficile de les classifier.
En effet, les champignons peuvent atteindre des tailles diamétralement opposées. Ils peuvent également adopter des modes de reproduction et d’alimentation exceptionnellement différents d’une espèce à l’autre.
Par conséquent, entreprendre une classification est un processus compliqué. Et souvent remis en cause par l’apparition de critères qui justifient une autre classification.
Du micro au macro
Prenons un exemple parlant.
L’organisme le plus vaste et certainement le plus lourd présent sur Terre appartient à cette grande famille des champignons. Et il a largement de quoi faire pâlir d’envie une baleine à bosse.
Il s’agit ni plus ni moins que “d’un exemplaire” d’Armillaria solidipes, champignon pathogène parasite des conifères.
L’énergumène qui nous intéresse croît dans la forêt Nationale de Malheur dans l’Oregon. Il s’étale présentement sur une surface de près de 9 km², pèserait plus de 100 tonnes et serait âgé d’au moins 2500 ans.
Je laisse à l’imagination de chacun le loisir de mesurer la quantité de spores, ou cellules sexuelles, qu’il a pu produire au cours de sa longue vie.
En contrepartie, il existe nombre de champignons unicellulaires et minuscules.
Telles que les précieuses levures dont nous avons appris à tirer avantage. Car, sans ces tendres petits bouchons, nous n’en ferions pas sauter beaucoup, de bouchons. Ni ne pourrions accompagner nos chers fromages, fleurons de notre French gastronomie, d’une bonne miche au levain.
Levures : c’est ce fameux mélange de farine et d’eau - parfois de jus de pomme ou de raisin fraîchement pressé - qui apporte au pain les levures qui vivent sur la peau des fruits. Dans ce contexte, des lactobacillium et les levures agissent presque en association. Ils produisent une fermentation saine et digeste où les autres bactéries contenues dans l’air, et potentiellement dangereuses pour l’homme, se trouvent inhibées.
Et pour le plaisir, suivons encore une autre petite parenthèse. (Pour ne pas se priver de faire tout un frometon à propos de l’importance des champignons pour l’industrie fromagère et la médecine.)
Le bleu du bleu, c’est une moisissure : Penicillium roquefori. Qu’on est bien en peine de classer, puisque, contrairement à Armillaria solidipes, elle présenterait une reproduction asexuée.
Statut : Stature et Structure
Pour mettre un peu d’ordre bienvenu dans tout ce bazar, je vous propose une petite classification maison. Bien assaisonnée et mitonnée aux petits oignons.
Les règles de notre classification sur mesure
- Pour simplifier le schmilblick, nous organiserons les champignons seulement de deux manières différentes. Selon la taille, d’une part, et selon le mode d’alimentation qui détermine leur rôle, d’autre part. (Disclaimer : tout ceci peut varier parfois, mais : “Chut, tout va bien”).
- Pour ne pas nous disperser plus que de mesure, nous ne parlerons que des Eumycètes, également connus comme champignons vrais ou véritables. Il existe deux sortes de champignons véritables : les grands et les petits. Ou plus précisément, les supérieurs et les inférieurs.
Et c’est là que la langue française présente, dans son utilisation profane, de petits manques suppléés par le jargon. En effet, pour un francophone, tout est champignon !
Des petits aspergillus fumigatus (responsables chez l’homme d’affections pulmonaires) aux polypores géants (Meripilus giganteus, pouvant produire des sporophores de plusieurs dizaines de centimètres de diamètre), en passant par toutes sortes d’organismes plus ou moins grands. - Pour faciliter la compréhension globale de ce que sont les champignons, nous opérerons une sélection plus drastique encore. En ne nous concentrant volontairement que sur les supérieurs, c’est-à-dire ceux dont le sporophore est visible à l’œil nu.
Mais, avant de nous plonger dans ce tri nébuleux, il convient de clarifier la composition des champignons.
De quoi se compose un champignon ?
1. Le sporophore
Il est important de distinguer les différents organes d’un champignon.
Car, la partie comestible, la partie “chat-potée”, autrement nommée “sporophore” (anciennement “carpophore”), mot n’ayant cessé d’apparaître tout au long de cet article, n’est en fait que l’organe de production et de dissémination des cellules sexuelles.
Enfin, l’analogie devient claire. Et vous ne vous demanderez plus d’où peut bien provenir le nom d’une certaine amanite dont le caractère belliqueux la rend plus qu’impropre à la consommation.
Les Phallaceae, famille dont fait partie notre amanite européenne la plus mortelle, comptent en effet parmi leurs rangs une armée de formes semblables à ce que les peintres de la renaissance cachaient volontiers derrière une feuille de vigne. Les genres Mutinus et Phallus en portent même des exemplaires hauts en couleurs.
Question à 100 francs : de quelle amanite est-il ici question ? N’hésitez pas à répondre dans les commentaires !
2. Le mycélium
La partie la plus importante d’un champignon est un complexe organe végétatif, c’est-à-dire incapable de mouvement.
Il reste toutefois capable, entre autres, de produire de puissants enzymes. Ces derniers sont à-même de lui rendre accessibles les nutriments et minéraux de toutes sortes de supports : matière organique, roche, corps vivant et remuant dans une tentative désespérée et vaine de s’échapper…
3. Les hyphes
Cet organe, le mycélium, est composé de multiples filaments de très faible diamètre, de l’ordre de quelques microns, appelés hyphes. Ces hyphes sont elles-mêmes faites de cellules allongées mises bout à bout unies par une cloison incomplète (on parle de champignons septés).
La cloison n’empêche pas les noyaux de “voyager” d’une cellule à une autre et deux noyaux qui seraient présents dans une même cellule ne contiennent pas forcement la même information génétique.
Par ailleurs, les hyphes sont protégés par un revêtement de chitine.
Comment tout ce bazar fonctionne-t-il ?
- Un temps de champignons !
Les hyphes se modifieront et produiront un sporophore lorsque :
- le substrat où se développe le mycélium est suffisamment riche et que les conditions hydro-thermiques sont réunies (typiquement, quand une journée ensoleillée vient réchauffer un bois, un jardin, des prés, que la pluie avait abondamment baignés)
- et selon la période de l’année, car tous les champignons ne poussent pas en automne.
À l’instar de la kératine des cornes des rhinocéros, qui sont en réalité un agglomérat de poils, un sporophore est un agglomérat d’hyphes chitineuses.
De plus, tout sporophore est éphémère. Leur longévité varie pourtant de quelques heures pour les plus précoces à quelques mois pour les polypores les plus gaillards.
Ce qui différencie un sporophore d’un autre, c’est tout simplement la façon dont les spores sont rangées :
- D’un côté, se dresseront les basidiomycètes dont le système de rangement se compose de basides. Ces dernières sont des cellules spécialisées munies de terminaisons porteuses de spores.
- De l’autre, se trouveront les ascomycètes, qui ne sont pas des champignons plus dégoûtants que ça (¡caramba !) et qui emmagasinent les spores dans des cellules sacs appelées asques.
À noter que, de l’association (ou serait-ce une exploitation eugéniste ?) de certains ascomycètes et de cyanobactéries naissent les lichens. Il semblerait cependant qu’un troisième élément soit essentiel à la pérennité de ce duo, qui serait en réalité un ménage à trois. Il s’agirait d’une levure.
Attention ! Il existe des ascomycètes et des basidiomycètes inférieurs, c’est-à-dire microscopiques.
Et la gastronomie dans tout ça !
Mais comment sont fichus ces satanés sporophores qu’on aimait appeler tout bêtement “champignons” et qui maintenant semblent ne plus rien à voir les uns avec les autres ?
C’est que les formes varient énormément. Aussi, nous donnerons quelques indices à qui veut mettre un peu de vie sauvage dans son bol alimentaire.
Les champignons tels que nous nous les représentons possèdent un pied, ou stipe, et un chapeau sous lequel se trouve l’hyménium, partie fertile porteuses des spores.
Selon la forme de l’hyménium, nous avons 4 grands types de sporophores “classiques” :
- à lamelles,
- à tubes,
- à aiguillons
- et à plis.
Ainsi, les agarics, les lactaires ou les amanites présentent des lamelles et parfois, au pied du pied, un bulbe.
Les bolets et les polypores (qui eux n’ont pas de pieds) préfèrent les tubes.
Les pieds de mouton ont des aiguillons, des filaments pendant comme des franges depuis le dessous du chapeau et qui se défont très facilement lorsqu’on les touche.
Et les trompettes de la mort et autres giroles possèdent des plis qui peuvent faire penser à des lamelles.
Il existe un cinquième type dont les formes varient. En massue, en calice, en amas gélatineusement globuleux, en corail ou en éponge, en vessies… Là encore l’imagination fongique s’exprime sans trop de retenue.
Maintenant que tout est clair, nous pouvons enfin mettre sagement un peu d’ordre dans notre assiette de champignons ! Mais ce sera pour le prochain article !
Ce qu'il faut retenir
Les champignons sont difficiles à classifier.
Pour notre classification maison :
- nous pouvons les différencier selon leur taille et leur mode d’alimentation
- il est également plus prudent de ne se concentrer que sur les eumycètes ou champignons véritables, qu’ils soient grands/supérieurs ou petits/inférieurs/microscopiques
Les champignons se composent globalement:
- d’un sporophore (organe sexuel)
- d’un mycélium (organe étrange entre l’estomac et le cerveau)
- et d’hyphes (filaments du mycélium composés de cellules allongées)
Il y a 4 grands types de sporophores :
- à lamelles
- à tubes
- à aiguillons
- et à plis
- plus un cinquième qui fait n’importe quoi
1 réflexion au sujet de « Que sont les champignons ? – Article 2 – Un peu d’ordre »
Super article.précis et à la portée d ‘ une néophyte comme moi. Y a-t-il une suite sur,par exemple, la classification des basodiomycètes?