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Que sont les champignons ? – Article 3 – Quelle classification ?

Anciens, difficiles à classifier, disponibles en une très (trop ?) grande variété de formes et de tailles, les champignons ne se laissent pas aisément apprivoiser. Au travers d’une petite classification maison - qui vous permettra de savoir lesquels mettre dans votre assiette - découvrez certaines des plus étonnantes curiosités de la nature champignonnesque !

À la question simple « Que sont les champignons ? » la réponse n’est pas facile. Il apparaît certes que les champignons sont anciens. Et, s’ils n’ont pas écrit leur propre Odyssée épique c’est uniquement parce que personne ne leur a placé d’ordinateur ou de stylo entre les hyphes. De même, ils s’imposent comme des rebelles absolus de par leur étonnante résistance aux classifications.

Mais tant d’adversité est-elle une raison pour renoncer à élaborer une classification maison ? Acharnons-nous donc encore un peu sur ces attachantes bestioles à peu près aussi inclassables que les sous-genres mixtes entre Fantasy et Science-Fiction !

Les champignons : une classification à part

  • Les points communs

Pour reprendre le fil de notre réflexion, posons-nous d’abord rapidement la question de savoir en quoi les champignons sont si différents des plantes.

En quoi leurs sont-ils semblables pour commencer :

  • De fait, tous les champignons dits supérieurs sont immobiles. Or, les plantes supérieures le sont également.
  • Et, tout comme ces dernières, les premiers présentent un organe capable d’absorber les nutriments présents dans le substrat.
  • Et, c’est tout. L’analogie s’arrête là.

En effet, il existe une différence fondamentale difficilement négligeable entre les deux.

  • LA différence

Contrairement aux plantes, les champignons sont hétérotrophes.
En d’autres termes, ils sont incapables de synthétiser des sucres et donc leur propre énergie à partir du carbone.

Les végétaux, capables de photosynthèse, sont, eux, dits autotrophes et n’ont pas ce problème-là. (Pour frimer en soirée ou en écrivant un article, voici la formule du glucose, principal résultat de la photosynthèse : C6 H12 O6.)

Les champignons doivent par conséquent se nourrir d’autres organismes qui leur apporteront ces ressources essentielles à leur croissance.

Cette règle étant établie, nous pouvons nous appuyer sur cette particularité pour opérer une distinction entre 5 grands types de champignons. Nous ferons ainsi la distinction entre :

  • les saprophytes,
  • les parasites,
  • les prédateurs
  • les symbiotiques
  • et, enfin, les mycorhiziens.

Les champignons saprophytes, ça profite ! Oui, mais de quoi ?

  • Les faiseurs d’humus

Principalement des végétaux morts.
Ils sont responsables de la dégradation de composés stables telles que la lignine et la cellulose présents dans les arbres. Autrement ces derniers se fossiliseraient et ne seraient pas progressivement réintégrés dans la couche humique. Ainsi, feuilles, branches et troncs se trouvent changés en sols fertiles.

De couleur blanche – surtout chez les feuillus – ou marron – surtout chez les conifères – la pourriture rend ainsi le bois perméable et pratique des cavités facilitant la germination de certaines graines.

Ainsi, presque par cannibalisme indirect et un peu comme dans le cas des farines animales, un jeune arbre peut se nourrir de la dégradation d’un de ses pairs tombés dont le corps mort lui transmet sa délicieuse matière rendue disponible par un émissaire fongique.

Définitivement, le recyclage ne date pas d’hier.

  • Quelques cas particuliers

1. Une pézize (ascomycète) particulière est à distinguer.
Il s’agit de ces champignons aux sporophores en forme de calices ou de coupes et qui produisent un pigment bleu, la xylidine. Cette pézize, Chlorociboria aeruginascens, est dite pézize turquoise à cause de ce même pigment. On peut la trouver sur du bois de feuillus, principalement hêtre et chêne.

La pézize Chlorociboria aeruginascens a une forme de calice. Une fois le champignon disparu, le pigment demeure dans le bois pourri.

2. Des coprophages psychotropes
On trouve par ailleurs des champignons saprophytes également sur des excréments. Ils deviennent alors coprophages. Les plus connus sont dégustés pour leurs effets psychotropes, comme le basidiomycète Psilocybes cubensis (pourtant originaire d’Asie), riche en psilocybine et psilocine.

Les champignons parasitaires, eux, sont légions

Il y en a de tous types et ils s’attaquent à tous types d’êtres vivants selon leur spécialité. Parmi les plus spécialisés, les représentants du genre Cordyceps (ascomycètes) s’attaquent chacun à une espèce ou une famille d’insectes de la jungle est-asiatique.

  • Le zombificateur

Ayant fait l’objet d’une vidéo publiée sur la chaîne String Theory Fr sur YouTube et présentée par Castor Mother, Cordyceps unilateralis est un champignon entomopathogène responsable de la “zombification” de fourmis dont il prend contrôle du système nerveux central.

Sous les ordres de ce maître vaudou bien décidé à ne pas lâcher la grappe, la fourmi ira planter de toutes ses forces ne lui appartenant plus ses mandibules dans quelque feuille, tige ou autre liane, pourvu que l’endroit corresponde à des critères d’humidité et de température précis.
Un petit paradis pour le maître automate qui se nourrira du cadavre de sa monture d’où émergera un joli stroma (dont le rôle est équivalent à celui du sporophore) prêt à lâcher dans la nature moult spores qui, si la chance leur souri, trouveront d’autres fourmis à soumettre à leur volonté.

  • Le virus T ?

Un autre parasite d’insectes, cette fois de lépidoptères (papillons) du genre Thiatarode, Ophicordyceps sinensis, autrement appelé champignon-chenille, compte parmi ses qualités applicables en médecine la production de cordycépine.
Il s’agit de cette substance analogue à l’adénosine qu’elle vient substituer, empêchant ainsi la synthèse de l’ARN. Cette propriété la rend utile pour inhiber le développement de cellules cancéreuses.

À noter par ailleurs que l’infection par des spores de champignons qui prendraient le contrôle du cerveau de ses hôtes a fait ses pas dans la culture populaire. Arleston a, dans le premier tome de la bande dessinée Lanfeust des Étoiles, fait combattre son héros contre une armée d’hommes primitifs entièrement soumis à la volonté d’un champignon de belle taille au nom de fête des morts.

Fourmi terrassée par Cordyceps unilateralis - Que sont les champignons - Quelle classification ?
Fourmi terrassée par Cordyceps unilateralis dont le stroma émerge de sa victime

Des champignons prédateurs ?

  • La prédation, mode de vie répandu

Quand on en vient à parler de prédation chez un organisme immobile, on pense tout de suite aux plantes carnivores. Telles que les droséras, comme Drosera rotundifolia, qui est habituée à déployer ses appâts dans les tourbières d’Écosse. Fait surprenant, elle est également utilisée pour préparer des teintures textiles violettes ou jaunes.

Mais comment l’organe végétatif d’un champignon tend-il ses pièges ?
Car il s’agit de pièges qui ne sont pas sans évoquer les toiles tissées par les araignées ou encore les collets servant à étrangler les lapins.

  • Des arsenaux bien étoffés pour des champignons pas si inoffensifs

1. Les champignons du genre Arthrobotrys sont des champignons saprophytes chez lesquels un comportement prédateur a été observé.

Leurs hyphes se développent en anneaux semblables à des lassos et se contractent lorsqu’un nématode entre en contact avec leur structure. Une fois l’annélide pris au piège, le champignon investira le corps de sa proie. Il y déversera, à l’instar des araignées, des enzymes qui en digéreront les différents organes.

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Nématode capturé par les hyphes d’un Arthrobotrys

2. De son côté, Dactylaria candida développe des hyphes adhésifs où viennent se coller nématodes et bactéries. Ainsi que des pièges non-contractiles qui n’attrapent que les nématodes dont le diamètre est supérieur à celui du piège.

Comme les scientifiques imaginant des sporophores de plusieurs mètres de haut, réactivons chez nous la peur intrinsèque des proies en n’excluant pas la possibilité que ces créatures n’aient pas un jour l’envie de goûter du bipède !

Au tour des symbiotiques, maintenant

  • La symbiose : un équilibre délicat

La symbiose, c’est une sorte d’alliance parfois fragile passée entre deux organismes différents ayant des intérêts communs.

Un exemple connu est celui des pucerons sécrétant un miellat dont les fourmis raffolent. En échange de ce nectar, non seulement les fourmis laissent leurs vachettes en paix (sinon ce serait alors une sorte de mafia) mais aussi les protègent des attaques de coccinelles affamées.

  • Des insectes mycophiles

Dans les régions tropicales, les termites sont capables de venir à bout de la cellulose, mais ils ne peuvent rien faire contre la lignine. Ils “cultivent” par conséquent des champignons termitomyces (basidiomycète) qui se développent dans les excréments des insectes riches en cette matière si difficile à décomposer.

En échange de la préparation d’un substrat des plus appétissants pour les champignons, les termites mangeront des sortes de boules produites par ceux-ci, les mycotêtes, riches en matières faciles à digérer.

Les insectes pratiquant ce genre de cultures fongiques sont dits champignonnistes, tout comme celui dont le métier est de faire pousser et vendre des champignons de Paris.

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Sporophore de Termitomyces poussant depuis une termitière

Et enfin, last but not least, les champignons mycorhiziens

  • L’art de s’associer

Les mycorhiziens occupent une place extrêmement importante dans le bon développement, la croissance, la santé et la pérennité de nos écosystèmes.

La mycorhize, c’est une association entre deux types d’organes capables d’absorption : les racines et le mycélium.

Les lichens correspondent à ce types de cas.
Dans cette association, le champignon fournit l’eau et les minéraux nécessaires à la survie des cyanobactéries qu’il tient dans ses hyphes.
Hyphes où la cyanobactérie (ou algue bleue-verte) fournit les sucres produits par son activité photosynthétique.

Le végétal et le champignon s’en sortent ainsi mieux en travaillant main dans la main, si j’ose dire, que chacun de leur côté. Ce n’est pas pour rien qu’on estime que près de 90% des plantes s’adonne à de telles associations.

  • Deux modes principaux dans la classification des champignons mycorhiziens

Il existe deux types de mycorhizes qui varient selon que les hyphes du champignon pénètrent ou non à l’intérieur des racines.
On parle ainsi d’endomycorhize, la plus courante et très répandue dans les zones tropicales, et d’ectomycorhize, plus fréquente dans les zones boréales et concernant surtout les conifères.

On estime que l’action mycorhizienne permet d’augmenter par 100 la surface visitée par les racines des arbres.

Seulement, ces associations peuvent facilement virer au parasitisme et au saprophytisme en faveur du champignon qui, en prenant l’avantage sur son associé, peut précipiter sa fin.

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Les deux types de mycorhizes : Endomycorhize et Ectomycorhize

Quels champignons pour quelle classification ?

En conclusion, les champignons ont su se faire une place de maître dans tous les biotopes de la planète.

Qu’ils soient parasites de parasite ou décomposeurs de premier ordre, qu’ils aident les plantes à grandir en leur apportant l’eau et les minéraux dont elles ont besoin ou qu’ils produisent pour l’humain des ressources alimentaires et des molécules pour son industrie et sa médecine, ils sont très certainement parmi les plus importants protagonistes du vivant.

Bien que nous n’en connaissions pas tous les rôles ni toute la diversité et qu’il relève de l’impossible d’en dresser l’arbre généalogique complet – sans parler de leur classification -, une chose est sûre, les champignons n’ont pas fini de faire parler d’eux !

Que dire des lichens qui changent les roches en sol ? Qu’écrire sur les myxomycètes qui ont déserté le règne fongique pour se rapprocher de celui des amibes ? Quelles anecdotes raconter sur les syndromes dont sont responsables les alcaloïdes et autres toxines produites par nos amis des forêts ?

Bien des questions sont à la portée des patientes âmes curieuses qui se demanderaient encore s’il est possible de commettre un crime parfait à l’aide de champignons.

La réponse ? Eh bien…

Ce qu'il faut retenir

Hétérotrophes, les champignons sont incapables de synthétiser des sucres à partir du carbone. Ils doivent donc se nourrir d’autres organismes qui leur apportent ces ressources essentielles.

Résistants à toute classification, on peut toutefois distinguer 5 grands ordres d’eumycètes (champignons vrais/véritables) selon leur mode d’alimentation :

  • les champignons saprophytes, qui consomment essentiellement des végétaux morts et contribuent à la production des sols fertiles

  • les champignons parasitaires, qui tendent à se focaliser sur une victime de prédilection et à ne plus la lâcher

  • les champignons prédateurs, qui ont développé une batterie d’armes spécialisées notamment contractiles ou adhésives

  • les champignons symbiotiques, qui entretiennent une relation délicatement équilibrée avec une autre espèce

  • les champignons mycorhiziens, avec les très révélateurs lichens capables de s’entremêler encore plus étroitement avec des bactéries et des racines pour obtenir les nutriments nécessaires à leur croissance

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