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Qu’est-ce que la Fantasy ? — Les origines de la Fantasy : Mythes, Contes et Merveilleux médiéval

Genre à ramifications, la Fantasy n’est pas tant un genre difficile à définir que composé de très nombreuses caractéristiques qui facilitent sa multiplicité d’expressions. Mais d’où viennent donc ces contours flous, toujours changeants et réinventés d’un livre et d’un auteur à l’autre ?

Après avoir cerné ce qui se trouve dans la Fantasy et avoir apporté un semblant de définition dans l’article 1 Comment définir la Fantasy ?, posons à présent la question de savoir d’où vient la Fantasy. Quels sont donc ses origines ?C’est-à-dire les genres précurseurs qui l’ont influencée dans sa forme actuelle. Car les mondes secondaires, la magie et les créatures surnaturelles sont bel et bien apparus avant les 19e/20e siècles. Les mythes, mythologies, récits du Moyen Âge et contes de fées les ont en effet colportés pendant des siècles avant l’émergence de la Fantasy en tant que genre !

Trêve de suspens : deux sources principales et officielles sont à incriminer en tant qu’origines traçables de la Fantasy. Des sources majeures auxquelles il convient d’ajouter le fort impact de certains styles et auteurs actifs du Moyen Âge à la Renaissance.

À noter par ailleurs : la Fantasy moderne a ceci de particulier que, un peu comme un arbre généalogique des espèces avec les fameux « fossiles vivants », certaines de ses formes les plus vivaces aujourd’hui sont issues de branches plus anciennes qui ont évolué sans s’éteindre.
Par conséquent, il arrive que des mouvements littéraires précurseurs de la Fantasy existent toujours aujourd’hui. Voire qu’ils continuent d’apporter de nouveaux angles d’exploration à ce vaste genre, quoiqu’à un étiage bien plus bas qu’à leur âge d’or.

ORIGINES ANTIQUES : L’influence des mythes sur la Fantasy

Le premier de ces mouvements littéraires pas tout à fait éteints et ayant alimenté la Fantasy à ses tout débuts se constitue des maintes mythologies du monde.

  • Que sont les mythes ?

Les mythes au sens large regroupent les œuvres littéraires antiques ou médiévales à contenu mythologique (L’Iliade et l’Odyssée, l’Edda poétique…), ainsi que les textes sacrés des religions (la Bible, par exemple, pour ne citer que le premier monothéisme du monde en nombre de pratiquants actuels).

Mythologies
Récits qui illustrent les principes d’une croyance religieuse et mettent en scène ses divinités, confrontées à l’homme ou à d’autres créatures surnaturelles

Le but avéré de ces mythes est de rendre intelligible à nos ancêtres un monde semé d’embûches et d’éléments inexplicables. Ils le font par le biais de récits captivants qui mettent in fine des concepts spirituels ou métaphysiques à la portée des hommes de chaque époque et chaque région.

  • Quelques exemples de mythologies

Parmi les plus importantes mythologies dont l’humanité ait une trace, on peut citer pêle-mêle et dans un ordre relativement chronologique, les mythologies :

  • Hindoue avec les textes du Mahabharata et du Ramayana

  • Mésopotamienne avec l’un peu plus connue Épopée de Gilgamesh et les moins répandus Mythe d’Etana et Épopée d’Erra

  • Égyptienne, dont les incontournables Mythe du cycle du jour, Mythe d’Osiris, Livre des morts et Livre pour sortir au jour

  • Gréco-romaine telle que transmise par Hésiode dans la Théogonie, les Travaux et les Jours et le Mythe des races ; par Homère dans L’Iliade et l’Odyssée ou par Virgile, d’une manière totalement différente dans l’Enéide ; mais également par Eschyle, Sophocle, Euripide, Platon ou encore Ovide et Les métamorphoses
  • Celtique,
    qu’elle soit Irlandaise avec Le livre de la conquête d’Irlande, Le cycle d’Ulster autrement dit de la Branche rouge et le Cycle de Fenian ou d’Ossian,
    ou qu’elle soit Galloise avec l’énigmatiquement nommé Mabinogion qui se plaît à trotter en tête un peu comme un mammouth placide
  • Nordique, telle que décrite dans l’Elder Edda et le Codex Regius également appelé Edda poétique.

    Mais aussi Finnoise avec le Kalevala ou Scandinave et Germanique avec la chanson des Nibelungen popularisée par Wagner ou la chanson de Gudrun (rivale de la célèbre Brunehilde adoptant plusieurs dénominations selon les auteurs ou le point de vue historique/fictionnel : Kriemhild, Gutrune, Hilda, Ildico…)

  • Japonaise avec le Kojiki (Chronique des faits anciens), le Nihon Shoki (Chroniques du Japon), le Hotsuma Tsutae (poème difficilement datable et offrant une variante des Chroniques du Japon) et le Shintoshu (livre d’histoire du 14e siècle divisé en 10 volumes)

  • Chinoise avec la fameuse Pérégrination vers l’Ouest.
    Rédigé au 16e siècle, ce manuscrit n’en finit pas de produire à notre époque des dérivés et réadaptations, notamment sous l’avatar ultra-connu de Dragon Ball ou des Légendes du roi Singe (et moins connu de Gensomaden Saiyuki)

  • Monothéistes partageant une racine commune telles que les mythologies chrétienne, biblique, juive ou musulmane. Il y a en effet une part de merveilleux dans les textes sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, du Coran et de la Torah

Cette liste étant non exhaustive, je vous invite à la compléter en lisant l’une des excellentes sources de cet article : La Fantasy pour les Nuls de Jean-Louis Fetjaine.

DÉFI COMMENTAIRES

  • Niveau 1 : quel est votre mythe préféré et pourquoi ?

  • Niveau 2 : connaissez-vous d’autres mythologies que celles mentionnées ci-dessus ? La tribune est à vous !
  • Des héros et des Dieux

Un élément majeur qui reste à noter concernant ces récits mythologiques — outre la présence de divinités dans toute leur diversité — est l’importance centrale des héros.
Des héros qui prennent leur sens, avant tout, dans leurs confrontations aux dieux. Gilgamesh, Enkidu, Héraclès ou Hercules, Ulysse, Thésée, Persée, Jason, Cuchulainn, Finn Mac Cumhail, Bran Mac Febail, Sigurd ou Siegfried…

L’analogie avec les saints des récits bibliques n’a pas à se faire prier longtemps pour venir aux esprits (au premier rang desquels, le flamboyant pourfendeur de dragons Saint-Georges).

Après ce premier aperçu de la diversité des mythologies et des mythes, il est bien moins étonnant qu’ils aient mené à plusieurs types de myth Fantasy (ou Fantasy mythique) contemporains !

  • Trois types de myth fantasy

Directement issus des mythes et de leur influence sur les origines de la fantasy, sont en effet à distinguer :

  • la réécriture plus ou moins fidèle d’un texte mythologique, comme le fait le Mabinogion de Evangeline Walton
  • l’adaptation moderne tels que le Mabinogion de Lloyd Alexander ou le Cycle de Zimiamvia d’E. R. Eddison, qui reprend la mythologie grecque
  • la création pure et simple de mythologies, parmi lesquels on peut citer Les dieux de Pegana de Lord Dunsany

Quelques autres exemples contemporains notables sont :

  • la mythologie grecque chez Thomas Burnett Swann avec Au temps du Minotaure, La forêt de l’éternité, Le labyrinthe du Minotaure ;
  • les mythes nordiques tels que vus par Poul Anderson dans The Broken Sword ou Hrolf Kraki ;
  • la mythologie arabe de Diana Wynne Jones avec Le château des nuages ou de Margaret Weis avec Rose of the Prophet ;
  • les mythes indiens du Ramayana d’Ashok K. Banker (Le Prince d’Ayodiâ en français).

Les mythologies ont ainsi poursuivi leur petit bonhomme de chemin et sont arrivées, aujourd’hui, à un état oscillant entre merveilleux antique et récupération par la Fantasy.
Cependant, les mythes n’ont pas été les seuls types de récits à influencer la Fantasy. Et il convient, en effet, de mentionner les parcours du merveilleux littéraire médiéval et des contes pour bien cerner toutes les origines de la Fantasy.

Le merveilleux littéraire et les légendes du Moyen Âge aux origines de la fantasy

Le terme « médiéval fantastique » a longtemps été utilisé pour décrire la Fantasy tant il semblait aisé de réduire l’un à l’autre.
Toutefois, la Fantasy actuelle ne peut plus s’y restreindre. Un constat qui est également valable pour le merveilleux littéraire qu’il est compliqué de circonscrire à une dimension unique claire. Témoin de la naissance du roman moderne issu des chansons de geste et prolongement profane des légendes mythologiques au merveilleux omniprésent (hagiographique chrétien ou épique), ce genre est, de fait, lui-même un amalgame.

  • Le long âge d’or du merveilleux littéraire médiéval : le mythe arthurien

Dans cet agglomérat, l’influence de la légende d’Arthur et de la matière de Bretagne est indéniable sur l’ensemble de l’Europe.
Il est ainsi possible de retracer le parcours littéraire du mythe arthurien depuis le Moine Nennius au 9e siècle, Geoffroy de Monmouth et Wace au 12e siècle. Puis le très connu Chrétien de Troyes et ses contemporains Hartmann von Aue, Wolfram von Eschenbach, Rustichello, Marie de France et Renaut de Beaujeu aux 12e/13e siècles. Avant de finir sur Geoffrey Chaucer et Thomas Malory aux 14e/15e siècles.

Matières (de France, de Bretagne, de Rome)
Ensemble de textes populaires ou savants (romans, chansons, légendes, contes, poèmes…) et de modes narratifs attachés à une tradition.

Cette classification littéraire de Jean Bodel (1165-1210) ne reconnaît que 3 matières : de France, de Bretagne, de Rome.

Sa dimension thématique agglomère des sources très différentes et ne prend pas en compte la perméabilité entre les matières ou encore l’existence d’œuvres inclassables selon cette classification.

Les invasions anglo-saxonnes de l’île de Bretagne vers l’an 450 et la résistance menée par les Celtes romanisés et les royaumes gallois sont non seulement à l’origine de nombreuses légendes celtiques dont est issu le récit arthurien, mais ces invasions, en provoquant l’exode de populations celtes vers la “Petite Bretagne/Armorique”, ont en outre contribué à leur diffusion en Europe continentale.
La matière de Bretagne dont s’inspirent les auteurs de chansons de geste diffère de la matière de France par l’importance du merveilleux et la persistance d’éléments païens malgré la christianisation croissante des récits, ainsi que par son caractère “hors du temps et de l’espace”, alors que la plupart des autres chansons de geste exaltent un récit national.

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La lamentation d'Arthur, tableau de William Bell Scott
  • Roman courtois et merveilleux chrétien

Cet âge d’or porté par le mythe arthurien s’accompagne par ailleurs de l’émergence du roman courtois entre les 10e et 15e siècles. Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung en est un des plus fiers représentants.

Un mouvement qui se trouve talonné de près par la popularité des Vita ou vies de saints et du fameux merveilleux chrétien, comme la Navigation de Saint Brendan. Sans parler des légendes et toutes leurs déclinaisons régionales du Dauphiné à la Bretagne en passant par l’Aquitaine et le Gévaudan.

Fait amusant
Il est aujourd’hui considéré que le terme « dragon », si présent dans les récits de saints chrétiens, était synonyme de Diable et désignait assez vraisemblablement d’anciens cultes druidiques.

Dans ce contexte historico-littéraire, il est intéressant de dresser un comparatif entre les matières de France et de Bretagne.

Ainsi, la matière de France exalte des personnages et événements réels tels que Charlemagne, Charles Martel, Guillaume d’Orange, Roland… Des récits où la dimension épique et merveilleuse a tendance à prendre des largesses avec la véracité historique.
Les grands auteurs comme Huon de Bordeaux (fin 12e) ou Ludovico Ariosto avec son Orlando Furioso (Roland furieux) sont emblématiques de ces chansons de geste.

Tandis que la matière germanique est, elle, à la fois bien plus ornée de merveilleux et bien plus le produit d’écritures collectives.
C’est notamment le cas de Siegfried et des Nibelungen, œuvre collective composée au tout début du 13e ou de Beowulf issu de réécritures successives du 7e au 10e siècle. Mais également des Bogatyrs, ces héros slaves dont Ilya Mouromets est un digne représentant, qui se mit en tête de rattraper le temps perdu après avoir passé 33 ans collé au chaud contre un poêle.

  • La fin brutale d’un genre

Cette branche précurseure de la Fantasy connaît toutefois une fin tragique suite à l’impact de la Grande Peste de 1347.
Cette dernière marque assez brusquement la fin de la littérature courtoise et féerique. Même si la chanson de geste subsiste un temps encore sous une forme parodique, mâtinée de nostalgie et de conte philosophique désirant rompre avec l’obscurantisme médiéval.

Un domaine où Rabelais, auteur de Pantagruel et Gargantua, ainsi que Cervantès et son Don Quichotte où le merveilleux n’existe que dans l’imagination du héros, semblent bien seuls.

Toutefois, si les élites se piquent d’humanisme, considérant désormais le merveilleux comme un moyen allégorique pour traiter de questions sociales ou philosophiques, la majorité de la population reste imprégnée de superstitions, ce qui conduit au paradoxe du début de la Renaissance.

  • Une Renaissance paradoxale

Entre, d’une part, chasses au diable et aux sorcières assorties à une emprise de l’Église qui interdit notamment les théâtres de rue, et, d’autre part, l’importance croissante du théâtre comme un divertissement de cour, la Renaissance semble effectivement dotée de tendances bipolaires.

Mais, peut-on vraiment lui en vouloir puisqu’elle a donné naissance à une source inépuisable d’inspiration et d’orfèvrerie verbale avec Shakespeare, dont le Songe d’une nuit d’été et La Tempête constituent des incursions notables sur les terres féeriques de la Fantasy ?

Marquant une rupture abrupte avec le merveilleux chrétien et les légendes médiévales, cette nouvelle scène de la Renaissance, entre parodie, philosophie et féerie, est bel et bien précurseure de nombreux sous-genres de la Fantasy, dont les Annales du Disque Monde de Terry Pratchett.
Cependant, sans s’avancer déjà aussi loin, cette nouvelle ère littéraire ouvre également la voie aux contes savants eux-mêmes alimentés par les contes populaires.

Ainsi, après des origines un peu nébuleuses pour la Fantasy sous l’influence des antiques mythes et du très étendu merveilleux médiéval, s’ouvre l’ère des contes, bien plus organisée et marquée par les Lumières.

Les origines « récentes » de la Fantasy : Une relation complexe avec les contes

Encore plus que pour les mythes, les contes constituent un genre que l’évolution littéraire a mené à un état paradoxal entre origine de la Fantasy moderne et transformation pure et simple en Fantasy (et Fantastique).
Dans cet ensemble, deux types de contes principaux sont à distinguer :

  • les contes populaires issus du folklore verbal
  • et les contes de fées littéraires apparus à partir de la fin du 17e siècle.
  • Les contes populaires de tradition orale

Contes
Un certain type de récit en prose d’événements fictifs transmis oralement. […] De structure complexe, ils comportent des éléments surnaturels non chrétiens à l’origine.

Leur existence seule suffit à le défendre [le conte]. Une chose qui a, d’une façon si diverse et toujours renouvelée, charmé, instruit, ému les hommes, porte en soi sa raison d’être nécessaire. Ce n’est peut-être qu’une petite goutte de rosée retenue au creux d’une feuille, mais cette goutte étincelle des feux de la première aurore.

Lorsque l’on parle de contes populaires, il est donc question de ce folklore verbal, transmis par des conteurs et petit à petit mis en écrits ; de ces histoires souvent enchâssées dans un récit qui sert de prétexte à leur narration.

D’ailleurs, il pouvait parfois s’agir de souvenirs déformés de faits historiques.
Ainsi, il est fort probable que les ogres des contes sont une allusion aux terribles Huns d’Attila. Les bottes de sept lieues seraient de la sorte une référence à leur impressionnante vitesse de déplacement équestre et le couteau si terrifiant une représentation de leurs redoutables sabres.

À l’origine oraux, ces contes populaires aux innombrables variantes ont commencé à être réécrits sous forme de contes littéraires à partir de la fin du 17e.

  • Le premier âge d’or des contes de fées littéraires

À partir des années 1690, les « contes de fées » apparaissent dans les cercles littéraires.
Ils doivent cette appellation à Marie-Catherine d’Aulnoy, précieuse en quête de beau langage et de noblesse d’âme, autrice de L’île de la Félicité (1690) et hôtesse d’un salon littéraire ayant largement contribué à leur diffusion.

Elle est également connue pour avoir publié, à partir de 1697, quatre recueils de contes.
Ces derniers incluent entre autres : L’Oiseau bleu, Finette et Cendron, La Biche au bois, La Chatte blanche, Le Rameau d’or, Le Nain jaune, La Belle aux cheveux d’or. Tout comme les Fables de La Fontaine, ces histoires avaient pour vocation d’égratigner un peu la société.

Quant à son renommé contemporain Charles Perrault, il publie pour sa part en 1697 les Contes de ma mère l’Oye qu’il destine aux enfants et dote de moralités ou morales.

Il produit ainsi des versions « savantes » de contes populaires tels Le Petit Chaperon rouge, La Barbe bleue, Le Maître Chat ou Chat Botté, Les Fées, Cendrillon ou La petite pantoufle de vair/verre, Le Petit Poucet, La Belle au bois dormant, Riquet à la Houppe, Peau d’Âne.

Perrault a remanié profondément les récits dont il s’est inspiré pour les adapter au public mondain auquel il les destinait. D’une façon générale, Perrault a supprimé tout ce qui pouvait choquer le sens de la bienséance, fléchi l’intrigue dans un sens plus réaliste, atténué le merveilleux et l’absurde à chaque fois que c’était possible.

Là où le conte populaire avec une économie austère traite à l’épure, le conte lettré se perd dans des entrelacs s’enroulant et se déroulant à l’infini.

En 1704, il est également utile de noter, le début de la publication des traductions par Antoine Galland des Mille et une Nuits à partir d’un recueil de contes persans du 7e siècle. Arrivent ainsi en Occident les histoires de Ali Baba et les quarante voleurs, Aladin et la lampe merveilleuse, Sinbad le marin

  • Les contes philosophiques

Au 18e siècle, les contes philosophiques, comme ceux de Diderot et Rousseau, viennent occuper le devant de la scène littéraire.

Parmi les plus connus, les Voyages de Gulliver de Swift s’inscrivent en dignes poursuivants de la critique du système, de la satire et de l’aventure. Tandis que les contes de Voltaire avec Zadig, Micromégas et Candide explorent la philosophie des Lumières et exaltent la soif de connaissance sur un ton plaisant, parfois comique et fortement teinté de fantastique.

Gulliver et les Lilliputiens par Jehan-Georges Vibert
Tableau de Jehan-Georges Vibert représentant Gulliver capturé par les Lilliputiens
  • Une deuxième vague de contes de fées

En complément de ce mouvement, à partir des années 1730, les contes de fées connaissent un regain d’intérêt en ciblant plus exclusivement un public enfantin.
Le plus marquant d’entre eux est peut-être La Belle et la bête de Mme Leprince de Beaumont, aux côtés de ceux de Mlle de Lubert, Mme de Villeneuve, le Comte de Caylus, Rétif de la Bretonne et Crébillon.

Ce second âge d’or dure peu avant un nouveau déclin que même les 41 volumes du Cabinet des fées du Chevalier de Mayer, recensant les contes de fées et publiés en 1785-1788, ne parviennent pas à enrayer.

La restriction du public ciblé aux seuls enfants avec une dimension « strictement pédagogique et donc lourdement moralisatrice » (Raymonde Robert) joue peut-être dans ce désamour. C’est d’ailleurs la parution, en 1857, des Nouveaux contes de fées de la Comtesse de Ségur qui mènera à la création de la collection La Bibliothèque rose par Louis Hachette.


Exception notable dans ce déclin, Hans Christian Andersen se distingue avec ses contes 
:

  • d’inspiration fantastique tels que La Petite Sirène, Le Petit Soldat de plomb ou La Reine des neiges ;
  • d’inspiration traditionnelle tels que Les Habits neufs de l’empereur et La Princesse au petit pois ;
  • sociaux et autobiographiques tels que Le Vilain Petit Canard et La Petite Fille aux allumette

Un déclin qui ne signifie d’ailleurs pas extinction, puisque les contes perdurent au 19e siècle dans les belles lettres destinées à un public adulte avec Charles Nodier, Gérard de Nerval, Alphonse Daudet, Alexandre Dumas, Émile Zola, Honoré de Balzac, George Sand, Catulle Mendès, Jean Lorrain, Rémy de Gourmont, Pouchkine, Gogol, Théophile Gautier, Lautréamont…

  • Les collectes de contes populaires au 19e

Ce qui explique toutefois la persistance des contes et l’importance de leur influence sur la Fantasy moderne, ce sont peut-être bien les collectes auxquelles les contes populaires ont été soumis au 19e.

Jakob et Wilhelm Grimm à partir de 1812 se démarquent particulièrement par leur rôle entre collecteurs et ré-écrivains.
Dame Holle, Les Lutins, L’Ondine de l’étang, Les Présents du peuple menu sont ainsi des réécritures qui trahissent le virage prochain du genre vers la Fantasy. Dans une veine qui annonce le roman gothique et la veine fantastique, ces histoires ont une tonalité sombre, voire terrifiante, pour des enfants.

Qui n’a pas été traumatisé par les versions originales d’Hansel et Gretel, de Blanche Neige et de Cendrillon ? Des contes tellement sombres qu’ils ont été adaptés en 1825 dans une Petite Édition expurgée de violence pour les enfants.

Gérard de Nerval et George Sand se prêtent également à cet exercice. De même que de nombreux magazines et collections : la Revue Mélusine, la Revue des traditions populaires, la collection Littératures populaires de toutes les nations chez les Éditions Maisonneuve et Larose…

Toutefois, à part les frères Grimm, c’est bien la classification des contes populaires par Aarne en 1910 et Thompson en 1928 qui a marqué les esprits. Ce travail aboutit à la classification Aarne-Thompson.

On y distingue communément 4 grands types de contes populaires :

  • en premier lieu, les contes « ordinaires » composés des contes merveilleux, religieux, étiologiques, contes-nouvelles et d’ogres dupés
  • puis, les contes animaliers, dotés d’animaux pour protagonistes
  • suivis par les contes facétieux, faits de farces
  • et, enfin, les contes à formules, où une phrase est répétée d’un bout à l’autre par le personnage principal et qui souvent n’ont pas de fin
  • Les contes au 20e siècle

Au 20e siècle, on dénombre très peu d’auteurs de contes de fées, même si ces derniers tendent à être d’illustre renommée : Guillaume Apollinaire, Anatole France, Jean Cocteau, Frédérick Tristan pour ne citer qu’eux.

Toutefois, avec l’apparition de la Fantasy en tant que genre à part (oui, oui on y revient), le genre des contes s’affirme de plus en plus comme une origine nette tout en continuant d’évoluer en parallèle.
Des anthologies comme celles de Ellen Datlow et Terri Windling invitent par exemple à réinventer les contes traditionnels ou à revisiter les motifs des contes populaires. C’est le cas de Blanche neige, rouge sang, qui est un des rares à avoir été traduit en français.

Cette nouvelle approche des contes de fées est par la suite poursuivie au début du 21e siècle avec l’anthologie Il était une fée de Léa Silhol, ainsi qu’un numéro spécial de la revue Emblèmes.

Les contes qui s’occupent avant tout de “fées”, c’est-à-dire d’être que l’on pourrait aussi bien appeler, en anglais moderne, “elfes”, sont relativement rares et, en règle générale, sans grand intérêt.
La plupart des bons “contes de fées” racontent les aventures d’hommes dans le Royaume Périlleux ou les marches ténébreuses. Ce qui est tout naturel, car si les elfes sont véritables, s’ils existent réellement en dehors de nos contes à leur sujet, il est aussi certainement vrai qu’ils ne s’occupent pas avant tout de nous, non plus que nous nous intéressons avant tout à eux. Nos destins sont séparés et nos chemins se rencontrent rarement.

Le féerique est un récit situé dans l’univers fictif des enchanteurs et des génies. Les premiers mots de la première phrase sont déjà un avertissement : en ces temps-là ou il y avait une fois.

Conclusion

Ainsi, la diversité de formes de la Fantasy apparaît bien moins surprenante en regard de la diversité d’origines et de sources auxquelles puise ce genre touche à tout : mythologies, vies de saints, mythe arthurien, matières littéraires médiévales, contes populaires, littéraires ou philosophiques…

Cela explique peut-être également pourquoi à ses débuts en tant que genre distinct de ces sources à la fin du 19e siècle, la Fantasy était plutôt protéiforme. En tout cas, avant que Tolkien ne vienne tout chambouler !

Ce qu'il faut retenir

La Fantasy trouve ses origines plus ou moins nettement dans plusieurs mouvements littéraires anciens et successifs qui sont souvent encore ses contemporains : mythes, légendes, contes, romans médiévaux…

Elle a ainsi d’abord puisé dans les mythes et mythologies, dont les récits de héros et de dieux ou les textes sacrés religieux ont pour but de rendre intelligible un monde semé d’éléments inexplicables. Trois types de myth Fantasy contemporaines en découlent.

Puis, elle s’est abreuvée au merveilleux littéraire et aux légendes du Moyen Âge, qu’il s’agisse du mythe arthurien, du roman courtois, du merveilleux chrétien des vies de saints, des matières de France, de Bretagne et germanique ou des écrits de Rabelais, Cervantès et Shakespeare jusqu’à la Renaissance.

Et enfin, elle s’est approprié — autant qu’elle s’en est inspirée — les contes populaires de tradition orale et les contes littéraires joliment tournés. Ceux-là mêmes qui cherchent soit à égratigner la société du 17e/18e siècle, soit à apporter des morales aux enfants.

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