Ouvrant le bal de cette nouvelle ère d’indécisions, les années 80 marquent pour la Science-Fiction un triste désintérêt du grand public. Fort heureusement, révoltés à cette idée, les mouvements en punk (Cyberpunk et Steampunk pour commencer) débarquent et entreprennent de ré-énergiser dynamiquement les années 90.
Les années 80 au creux de la vague
Aux États-Unis
Tête de file des S-F régionales depuis des décennies, la S-F américaine pâtit notamment de la montée croissante en notoriété de la Fantasy.
Mais elle souffre également de l’ascension de la scifi. Cet ersatz de S-F est constitué de novélisations et déclinaisons littéraires de films, séries et jeux de rôle ou informatiques de S-F (Star Wars, Star Trek…). Il n’est toutefois pas caractérisé par une production littéraire de qualité. Une mauvaise réputation qui rejaillit malheureusement sur la Science-Fiction dans son ensemble.
Au Royaume-Uni
En Grande-Bretagne, le même phénomène de désamour envers la S-F se manifeste. Mais il semble plus marqué par la fin de la New Wave locale. L’arrêt de ce mouvement entraine en effet une stagnation durable de la Science-Fiction traditionnelle dans les années 80 et jusqu’aux années 90.
En France
Parallèlement, en France, c’est la politisation récurrente des récits de S-F après 1968 qui mène à une désaffection relative du genre. Ce dernier ne surnage, de fait, que sous l’influence de la collection Anticipation de Fleuve Noir.
Et grâce aux incursions dans la Science-Fiction d’auteurs reconnus de littérature générale tels que Jean Hougron (Le signe du chien), Pierre Boulle (La planète des singes) et Robert Merle (Malevil).
La Planète des singes de Pierre Boulle est également devenu une référence cinématographique adaptée plusieurs fois. Et ce en dépit d’un contenu jugé peu propice à un tel support par son auteur.
Pour en savoir plus à ce sujet – surtout si vous avez la flemme de vous plonger dans l’esthétique et le rythme des vieux films hollywoodiens – n’hésitez pas à découvrir l’excellente rétrospective de Durendal sur YouTube !
Mais, comme toujours, en se réinventant pour séduire un public toujours plus assoiffé de nouveauté, la Science-Fiction ne tarde pas à reprendre du poil de la bête. Ou des pics en l’occurrence.
Le renouveau par les punks : Cyberpunk et Steampunk
Cyberpunk
La tendance s’inverse ainsi aux États-Unis avec l’apparition retentissante du sous-genre Cyberpunk. C’est le roman Neuromancien de William Gibson qui ouvre magistralement la voie en 1984.
Il est ensuite suivi par d’autres auteurs majeurs tels que ceux présents dans l’anthologie Mozart en verres miroirs de Bruce Sterling.
On peut notamment citer Pat Cadigan (Les synthérétiques), Paul Di Filippo, Walter John Williams, Lewis Shiner ou encore l’incontournable Greg Bear (série Éon avec Éon, Éternité et Héritage ; série La Reine des Anges avec La Reine des Anges, L’envol de Mars et Oblique ; série Darwin avec L’échelle de Darwin et Les enfants de Darwin).
Le théoricien du cyberpunk, Bruce Sterling le décrit ainsi comme étant :
L’imbrication d’univers auparavant dissociés : le royaume de la technologie de pointe et les aspects modernes de l’underground pop.
Steampunk
De façon complémentaire, le Steampunk se développe à son tour. Fixé sur l’ère victorienne de Dickens, il exploite « des éléments de S-F archaïques et fantastiques. »
Ce second sous-genre prend son essor avant tout grâce à trois écrivains passionnés d’Angleterre victorienne : K. W. Jeter avec Morlock Night, (suite de La machine à voyager dans le temps d’H. G. Wells), Tim Powers avec Les voies d’Anubis, James P. Blaylock avec Homonculus.
Entre mélange des genres, référence à la littérature populaire du 19e siècle, intertextualité, uchronie et collage, le Steampunk séduit petit à petit un lectorat croissant.
Bien requinquée, la S-F est tout à fait parée au redécollage des années 90. Et ce dans tous ses territoires de prédilection.
Les flamboyantes années 90
Le renouveau de la S-F anglo-saxonne
Aux États-Unis, le Cycle d’Hypérion de Dan Simmons et la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson (Mars la rouge, Mars la bleue, Mars la verte) redorent le blason de la S-F américaine.
Le magazine Interzone s’impose, pour sa part, en Grande-Bretagne comme une nouvelle référence dans les années 90. On y trouve les écrivains Paul J. Mac Auley, Ian Mc Donald, Kim Newman, Mary Gentle.
Auxquels il convient d’ajouter les francs-tireurs Jeff Noon, Peter F. Hamilton, Michael Marshall Smith, Iain Banks, Greg Egan, Robert Sawyer, Robert Charles Wilson.
Une S-F française régénérée
Un véritable ressourcement se produit en France. Il aboutit aux œuvres d’auteurs comme Serge Brussolo (À l’image du dragon), Laurent Genefort ou Pierre Bordage Les Guerriers du silence), Ayerdhal, Serge Lehman, Jean-Claude Dunyach, Jean-Marc Ligny, Roland Wagner, Michel Pagel.
Ils constituent une première lignée d’écrivains d’une S-F française renouvelée aussitôt poursuivie par la génération d’auteurs suivante. Parmi ces derniers se distinguent Matthieu Gaborit, Pierre Pevel, Hervé Jubert (La trilogie Morgenstern), Fabrice Colin, Johan Heliot, Xavier Mauméjan, Thomas Day.
Il devient ainsi particulièrement difficile de dénier à ces œuvres de qualité leurs lettres de noblesse. De même que de circonscrire la S-F et sa diversité sans cesse actualisée à un obscur pot-pourri populaire.
La Science-Fiction est ainsi bel et bien devenue un genre littéraire à part entière, composé de nombreux sous-genre à la qualité variable.
Ce qu'il faut retenir
La Science-Fiction des années 80 se heurte à un désamour marqué alimenté par des feux variés : montée de la Fantasy et de la scifi, chute de créativité après la New Wave, récits trop politisés…
Mais elle se renouvelle grâce à deux nouveaux sous-genres forts :
- le Cyberpunk
- et le Steampunk
Avant de renouer avec une production littéraire de qualité.