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Qu’est-ce que la Science-Fiction ? – Article 3 – Une histoire hétéroclite : L’influence américaine

Bien que globalement née en Europe, c’est d’abord aux Etats-Unis que la science-fiction prend une ampleur populaire notable. Dès la fin du 19ème siècle, cette influence impose durablement sa patte sur ce genre protéiforme en constante construction.

À la suite de l’« Article 2 : Une histoire hétéroclite – Un genre bien né » de notre saga s’efforçant de déterminer – de loin et par une nuit de brouillard parce qu’il est difficile d’obtenir une vue plus nette – ce qu’est la Science-Fiction, voici les premières années américaines de l’enfant terrible de la littérature.

Née entre la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, la science-fiction connait sur ces différents territoires des trajectoires particulières. Parfois convergentes, parfois dissemblables, mais toujours distinctes.
Ce qui n’empêche pas les Etats-Unis de prendre la tête de la course à la fin du 19ème siècle. Ils s’imposent ainsi comme influence principale sur l’évolution du genre.

L’influence des magazines et revues

  • La voie américaine

De 1890 à 1960, les États-Unis représentent le premier pourvoyeur mondial de Science-Fiction.
Les formats de prédilection sont les revues et magazines fonctionnant en feuilleton ou recueil de nouvelles. Comme les Dimes novels en 1890-1900, puis les Munsey Magazines qui prennent la relève à partir de 1910.

Cette première vague est, de plus, marquée par deux grandes ères :

  • L’ère Gernsback, du nom de l’éditeur de la revue Amazing Stories en 1926, premier magazine consacré entièrement à la S-F.
  • L’ère Campbell, éditeur de la revue Astounding Science-Fiction. Ce véritable âge d’or installe une « S-F d’ingénieur » dans les années 40.

Pour John Campbell, la S-F n’était ni un moyen plaisant de vulgarisation, ni une littérature populaire de divertissement. Elle avait sa propre validité. Elle était l’incarnation de la science, c’est-à-dire de la principale source de connaissances sur l’univers. Et même plus que ça : la S-F était un formidable outil qui pouvait avoir un effet sur le monde. La S-F, c’était des rêves qui pouvaient devenir vrais

  • Une Science-Fiction britannique plus tardive

Dans le même temps, la S-F britannique voit son histoire se confondre avec celle de la S-F américaine, en raison de la proximité linguistique.

Néanmoins, des auteurs britanniques tels H.G. Wells avec l’incontournable Guerre des Mondes, George Griffith, Arthur Conan Doyle avec les aventures du Professeur Challenger, M. P Shiel ou Olaf Stapledon marquent les esprits jusqu’aux années 30.

Mais, il faut attendre 1937 pour que le premier magazine anglais de S-F pour adultes, Tales of Wonder, ne voit le jour. De nombreux auteurs britanniques notables y sont publiés : William F. Temple, John Wyndham, Eric Frank Russel.
Enfin, Clive Staples Lewis – ami de Tolkien et membre des fameux « Inklings » – marque les années 40 par une trilogie cosmique : Au-delà de la planète silencieuse, Perelandra, Cette hideuse puissance.

  • Une SF française divisée

La France se distingue, elle, par une double voie :

  • Populaire d’inspiration vernienne. Déployée en formats de publication plus variés (magazines, romans en fascicules et collections de petite libraire), cette « proto science-fiction » est marquée par l’attrait pour les romans d’aventures exotiques.
  • Lettrée d’obédience wellesienne. Elle voit H. Rosny aîné (La guerre du feu, Vamireh…) et Maurice Renard (Les mains d’Orlac en 1920) s’imposer comme fondateurs du « merveilleux scientifique ».

Toutefois, si un Prix Jules Verne voit le jour en 1926 sous l’impulsion d’Hachette, l’effervescence des années 20 retombe en France, à l’exception notable des ouvrages de Jacques Spitz (L’agonie du globe, Joyeuses Apocalypses) et René Barjavel (Ravage, Le voyageur imprudent).

À noter, par ailleurs, que le terme science-fiction est connoté péjorativement en France. Il y est perçu comme étant de la science fictionnelle et non comme indiquant des fictions où les sciences interviennent.

L’émergence du space opera

  • Être hétéroclite ou ne pas être

La dimension populaire de la S-F et sa forte connexion aux romans d’aventure exotique et aux westerns est d’autant plus marquée que les années 30 voient l’émergence, en tant que sous-genre distinct, du Space Opera.

Son auteur emblématique est Edgar Rice Burroughs (Tarzan, John Carter, le Cycle de Pellucidar).

Ce terme, inventé en 1941 par l’écrivain Wilson Tucker à l’imitation du terme soap opera désigne, de façon légèrement péjorative, un type d’histoires de science-fiction qui fit florès dans les années 30 : des récits d’aventure et d’action se déroulant dans l’espace interstellaire et comportant une inévitable intrigue amoureuse sur fond de conflits avec des races extraterrestres.

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Ce qu'il faut retenir

Populaire, la S-F l’est indéniablement devenue sur la première moitié du 20ème siècle.

Perçue comme un instrument d’évasion du quotidien, elle souffre, dans sa reconnaissance en tant que genre, d’une certaine légèreté imputable au format feuilleton des magazines.

Toutefois, au-delà de ces apparences trompeuses, de très nombreux auteurs de S-F poursuivent leur exploration et la constitution de ce genre de moins en moins balbutiant.

Les ambitions de vulgarisation scientifique et de transposition de problèmes contemporains s’affirment d’ailleurs en corollaire d’une quête de qualité d’écriture.

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