On les surnomme les « seigneurs du déserts » ou les « hommes bleus », car la toile teinte à l’indigo qu’ils utilisent parfois pour se protéger du sable et du soleil déteint sur leur peau. Eux s’appellent les « Kel Tamasheq », « le peuple de langue Tamasheq », les « Kel Tagelmust », « ceux qui portent le voile », ou encore « Imajeghen », le peuple libre… Voici un bref aperçu de la culture des Touaregs, qui sait s’entourer, tout comme ses récipiendaires, de voiles mystérieux.
Ici, vous avez des montres. Là-bas, nous avons le temps.
Moussa Ag Assarid
À propos
Cet article explorant la culture Touareg a été rédigé par L.A. Morgane. Il s’inscrit dans une série d’articles accompagnant la sortie de sa nouvelle En plein cœur aux éditions du Transimaginaires !
Le mode de vie d’un protagoniste de cette nouvelle est ouvertement inspiré de la culture Touareg, d’où le présent article.
Lorsque Khaleel découvre que son serviteur dissimule sous ses voiles plus que de bons conseils, il doit choisir entre l’assurance d’une subjugation immédiate et le risque d’un long apprivoisement…
Deux articles complémentaires concernent l’hétérochromie oculaire d’un personnage et explorent donc :
Bref aperçu de l’Histoire Touareg
Certains Touaregs considèrent que leur peuple descend de la souveraine Tin Hinan.
Cette dernière aurait vécu entre les IVe et Ve siècle. Elle serait arrivée dans le désert avec sa servante Takamat et ses troupeaux pour instaurer leur société. Certains pensent reconnaître sa tombe dans le mausolée berbère d’Abalessa, où git une femme riche et boiteuse, ce qui pourrait rejoindre sa légende.
Après des siècles de vie nomade, les Touaregs subissent l’invasion française du XXe.
Leurs terres sont alors divisées entre le Niger, le Mali, l’Algérie et la Libye. Malgré la décolonisation, ils en gardent les séquelles et leur peuple est souvent délaissé par les autorités locales. Les Touaregs ont organisé plusieurs révoltes depuis, sévèrement réprimées. Ils continuent aujourd’hui de se battre pour préserver leur culture.
En 2020, ils ne sont plus qu’un million cinq réparti dans les déserts du Mali, du Niger, de l’Algérie, de la Libye et du Burkina Faso. Nomades, ils vivent surtout de leur bétail (dromadaires, chameaux, chèvres, ou zébus Azawak), qui leur fournissent du lait, de la viande et du cuir. Ils commercent avec les populations sédentaires et organisent deux fois par an une caravane, l’azalaï, qui traverse le Sahara en environ trois semaines pour faire des échanges commerciaux.
QUELQUES NOTIONS DE CULTURE TOUAREG
Ne te lasse jamais de crier ta joie d’être en vie, et tu n’entendras plus d’autres cris.
Proverbe Touareg
Une société de classes
La société Touareg est matrilinéaire, c’est-à-dire que les enfants héritent du rang de leur mère et sont rattachés à sa tribu. Lors du mariage, l’homme apporte une dot de terres et de bétail à sa fiancée, qui fourni la tente et ses meubles. Elle gardera les biens en cas de divorce.
Cette société est divisée en plusieurs classes sociales codifiées qui se côtoient de manière plus ou moins égalitaire.
Les forgerons artisans sont cependant exclus des mariages. On trouve aussi des guerriers nobles qui protègent leurs vassaux en échange d’un tribu, les nobles érudits (dit maraboutiques), les tribus vassales et des descendants d’esclaves, parfois encore victimes de cette pratique.
Organisées en factions, ces tribus sont dirigées par un chef et regroupées sous la houlette d’un amenokal ou d’une tamenokalt élu·e (telle que Tin Hinan), dont le pouvoir est symbolisé par le tambour de guerre « ettebel ».
Vie quotidienne en culture Touareg
De langue Tamasheq, les Touaregs utilisent l’alphabet Tifinagh, aussi utilisé par les berbères du nord-ouest libyen, le Maroc et une partie de l’Algérie.
Ils sont aujourd’hui de religion musulmane.
Au centre du repas se trouve la « taguella », une galette de semoule de mil ou de blé cuite sous le sable chauffé aux braises, rincée puis mélangé au repas. Les Tamasheq consomment aussi des produits au lait de chèvre ou de chamelle, du millet, des dattes, et pratiquent depuis le XXe siècle la cérémonie du thé.
Les vêtements sombres et amples des Touaregs leur permettent de conserver une température constante.
Il peut sembler contre-productif pour des habitants d’un désert brûlant de se vêtir de couleurs sombres, qui absorbent plus la chaleur que les couleurs claires. Cependant, les habits noirs renvoient aussi plus la lumière visible et le rayonnement infrarouge. Une toile noire produit aussi plus d’ombre qu’une toile claire, conserve moins la chaleur si elle reste correctement ventilée et permet à l’air chaud, plus léger, de s’échapper vers le ciel en rafraîchissant ainsi le tissu.
Les hommes adultes portent un voile qui ne cache pas les yeux, et les femmes ne se couvrent généralement pas le visage.
Cette « capuche » (dite chèche ou tagelmust) est particulièrement connue dans sa version indigo, réservée aux fêtes et aux journées froides car elle conserve la chaleur, mais toutes les couleurs sont admises. Le blanc est par exemple une marque de respect ou de célébration.
Par ailleurs, le tagelmust est un terme berbère qui désigne le voile couvrant la tête, une capuche, alors que le mot chèche vient de la ville de Chah en Ouzbékistan.
Il est également intéressant de noter que les Touaregs ne portent pas d’or, mais des bijoux d’argent travaillés à la cire perdue qui servent de patrimoine et de monnaie d’échange.
Les Touaregs de certaines tribus portent ainsi la croix d’Agadez ou croix du sud, qui pourrait représenter le pommeau de selle du chameau, le palais du sultan, les points cardinaux ou leur origine.
Enfin, pour jouer de la musique, les femmes utilisent le anzad ou imzad une vielle à une corde traditionnelle, dont l’usage se perd. Les Touareg s’accompagnent aussi du tambour « tendé » durant leurs danses.
Pour en savoir plus sur la culture Touareg : les Touaregs, par les Touaregs
Cet aperçu ne permet évidemment pas de mesurer la richesse de la culture Touareg.
Pour la découvrir plus en profondeur, nous vous invitons à consulter d’autres sources, notamment les textes rédigés par les Touaregs eux-mêmes.
Le mariage de la jeune fille chez les Touaregs de L’Azawak, court-métrage scénarisé par Halidou Mamadou, réalisé par Jaloud Zainou Tangui
Y’a pas d’embouteillage dans le desert, Moussa Assarid
Je suis né avec du sable dans les yeux, Mano Dayak
Touaregs, la tragédie, Mano Dayak
Touareg du XXIe siècle, Issouf Moha
SOURCES
Mali : les Touaregs, un peuple dans la tourmente, article de Boris Thiolay, publié dans L’Express, le 25/01/2013
Tú tienes reloj, yo tengo tiempo, interview du Touareg Moussa Ag Assarid par Victor Amela, publiée dans le journal espagnol La Vanguardia, le 1 février 2007 (page 68)
Niger : à la découverte du Tendé, un instrument fédérateur des peuples nomades, article publié sur le Sahelien.com, le 14 novembre 2017
S’habiller en noir… pour se protéger du Soleil, article de Jean-Michel Courty et Édouard Kierlik, publié dans Pour la science N° 321, le 30 novembre 1999
Ce qu'il faut retenir
Quelques informations sur les Touaregs en 2020 :
- Un million cinq, essentiellement nomades
- Présents dans les déserts du Mali, du Niger, de l’Algérie, de la Libye et du Burkina Faso
- Une société de classes matrilinéaire
Mais ces données brutes ne peuvent pas refléter la richesse de la culture des Touareg : séculaire forgée par le nomadisme et le désert.
Des habitudes alimentaires aux coutumes vestimentaires, en passant par le rapport aux bijoux et aux instruments de musique, cette culture méconnue n’est pourtant pas hermétique !
Que de mystère !
laissent voir les miroirs de l’âme