DISCLAIMER NOVEMBRE 2020 – NANOWRIMO
Afin que Tango et son équipe de zélés rédacteurs puissent se concentrer sur l’incontournable National Novel Writing Month ou NaNoWriMo, lepangolin.com interrompt en novembre la publication habituelle des articles !
En attendant la reprise du rythme normal (Lecture – Recherche – Écriture) le 9 décembre 2020, régalez-vous avec ces recommandations de lecture !
Vous souvenez-vous de cette époque où vous marchiez sur le tranchant entre deux âges : plus tout à fait enfant, pas encore adulte ? Volontaire de Marie d’Anjou vous y replonge avec efficacité et précision. Si vous avez détesté votre accession à la maturité, cette novella vous réconciliera avec vos préjugés : ici, pas de mensonges ou d’idéalisme, l’autrice aborde les faits tels qu’ils sont et n’a pas peur de faire avaler un grand bol de réalité à ses personnages. Non, devenir adulte ne se fait pas du jour au lendemain (comment ? Il ne suffit pas de souffler des bougies et d’avoir le permis en poche ?), et oui, même quand on se croit arrivé à destination, on découvre ne pas y être tout à fait.
Texte de quatrième de couverture de Volontaire de Marie d’Anjou, portant sur l’apprentissage difficile de la maturité
Presque adulte à quinze ans, Merime prend à cœur et avec sérieux la tâche d’apprendre la base de l’administration de la classe dirigeante. Cependant, elle manque d’adresse sociale. Devenir adulte n’est pas que dû à l’âge, mais à l’expérience. Apprendre de ses erreurs, oser se réévaluer, mieux comprendre les autres, savoir aussi quand il faut tenir bon ou quand il faut lâcher prise. Dans un univers assez rustique à flanc de montagne, Merime découvre que la théorie a besoin de pratique pour être juste.
J’ai commencé la Bêta-Lecture par curiosité pour ce titre si atypique « Volontaire », mais j’ai poursuivi par envie (j’allais dire besoin) de comprendre comment Merime allait surmonter ses épreuves qui me rappelaient tant les miennes… et pourtant, quelles différences entre son monde, sa vie, ses ambitions, et mon vécu ! C’est donc avec beaucoup d’émotions que j’ai plongé dans le monde de Marie d’Anjou, portée par les mots très stricts de Merime, et ceux beaucoup plus poétiques de l’autrice.
Avant de partir de la cuisine, Merime vole un couteau sous le regard de la domestique en charge des repas.
— Vous faites point ça ici ? demande cette dernière.
— Non. J’ai guère besoin de supervision.
La domestique montre sa paume en signe de laisser-aller et Merime revient dans la blancheur candide de sa chambre.
Onze chapitres, c’est peu pour grandir
De la durée du récit
On ne grandit pas en trois jours, ni en trois ans, ni même en trente, d’ailleurs.
Pourtant, Marie d’Anjou a réussi le pari de retracer l’évolution de Merime en onze chapitres de moins de dix pages. C’est peu pour résumer une adolescence, me direz-vous. Oui, et… non. Car le but de ce texte n’est pas de nous faire passer par tous les états d’âme de la protagoniste ni par chacun de ses déboires. Au contraire, nous l’accompagnons à travers quelques évènements ciblés qui cristallisent la substance de l’accession à la maturité.
Sur fond de guerre imminente, Merime, fille du chef de Sanglefroy, commence son apprentissage de sa position à travers le recensement de son peuple. Pour gouverner, il faut avant tout connaître son pays, mais elle va découvrir qu’avoir une connaissance approfondie des gens ne se résume pas à lister leurs noms et occupations sur des bouts de parchemins.
Un roman initiatique sur la maturité
Et pourtant, c’est dans ces pages que réside la clé de l’intrigue. Ou plutôt, des intrigues.
Car Volontaire, en bon roman initiatique, traite l’évolution personnelle à travers deux axes majeurs qui s’entrecroisent et se propulsent l’un l’autre, ce que l’on ne découvre qu’à la fin. D’une part, nous explorons le poids des responsabilités, et de l’autre, l’importance des émotions dans notre construction (oui, il y a de l’amour, nous y viendrons). Ce n’est que lorsqu’elle trouvera l’équilibre entre ces deux aspects que Merime va basculer de la « quête d’approbation » (le besoin d’être validé par un tiers) à la « confiance en soi » (la capacité à prendre des décisions malgré les opinions contraires).
Ces deux axes sont représentés d’un côté par une souris (plus ou moins métaphorique) qui vient bouleverser les plans bien établis de Merime, et de l’autre, par un homme répondant au nom de Menrod.
Une souris qu’on n’attrape jamais
Une mission d’importance : l’apprentissage des responsabilités
Au cours de son apprentissage, son père confie à Merime la construction d’une étrave afin de protéger la capitale des avalanches qui pourraient l’engloutir pendant l’hiver.
Au-delà de l’aspect passionnant d’un tel projet, qui ferait sauter de joie n’importe quel manager en devenir, cette mission est écrasante de responsabilités : l’échec (une étrave mal faite ou pas terminée à temps) pourrait coûter la vie à presque tous les habitants de la ville.
On comprend facilement pourquoi Merime prend le sujet avec autant de sérieux.
Comme Rome ne s’est pas faite en un jour, la construction de l’étrave prend aussi son temps ; temps qui devient vite critique si son absence se cumule avec l’approche de l’hiver, une épidémie soudaine, et une carte stratégique qui apparaissent/disparaissent tous en même temps.
Un adversaire élusif
Merime n’a pas fait Mat Sup (même si elle calcule bien), mais elle réfléchit vite et arrive vite à résoudre l’équation avec une solution simple : quelqu’un s’en prend à Sanglefroy.
Nous voilà donc partis à la recherche de la petite souris qui sape les fondations parfaites de ses colonnes de données. Nous sillonnons le pays sur ses traces, nous lui tendons des pièges, nous parvenons même à l’attraper par la queue (âmes sensibles, s’abstenir — sérieusement), mais jamais nous ne la regardons dans les yeux.
Faudrait-il voir dans cette souris une métaphore de l’âge adulte ?
L’idée est tentante : le rongeur serait l’infime probabilité qui détruirait nos plans les plus précis, nous obligerait à repenser totalement notre approche, et même, à accepter de passer outre pour se concentrer sur l’atteinte de notre objectif.
Cette course poursuite nous questionne donc sur ce sujet : peut-être qu’être adulte, c’est simplement apprendre à lâcher prise ?
Trop facile, mon cher Watson ! Car l’être humain est ainsi fait que résoudre une équation (même avec une souris en main) ne suffit pas à franchir le cap. En effet, n’en déplaise à Merime, nous autres, créatures de chair et de sang, sommes soumis à une pléthore d’émotions et de sentiments qui impactent nos décisions.
Menrod, la face cachée de la maturité
Savoir écouter pour de vrai
Merime, fraîchement sortie de l’enfance et encore ignorante des passions (appelez cela les hormones si vous préférez), l’apprend à ses frais, et même un peu à ceux du pays.
Comme je le disais dans l’introduction, elle va découvrir qu’avoir une connaissance approfondie des gens ne se résume pas à lister leurs noms et occupations sur des bouts de parchemins. Pour se lier d’amitié avec les autres, il faut les écouter (je dis bien écouter et pas entendre en comprenant le sens des mots), mais également comprendre ce qui les fait vibrer. En acceptant de s’intéresser vraiment à son interlocuteur, Merime parvient à maîtriser une situation qui l’angoissait : la communication.
C’est ainsi qu’elle se liera d’un peu plus que d’amitié avec Menrod, homme plus âgé dont l’expérience et la maîtrise de soi la fascinent.
Pour la première fois, sa logique se laisse distraire par une histoire sans majuscule (l’Histoire étant sa passion dans la vie), même si les raisons de son choix se révèlent très mathématiques. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer lorsque le coup de foudre la frappe, cette romance sert véritablement un objectif : nous montrer comment le cœur prend le pas sur la raison, et surtout, comment concilier les deux.
La maturité par l’exemple
De son côté, Menrod ne se laisse pas impressionner par le statut de la demoiselle. C’est un homme accompli qui n’a pas peur de tout recommencer à zéro malgré l’adversité pour accomplir son rêve : devenir maçon.
En rencontrant Menrod, Merime découvre un exemple de maturité, et son attirance pour lui relève sans doute plus de son désir de mûrir que d’un véritable amour, puisqu’ils ne se connaissent que très peu.
Cependant, Menrod possède des failles qui jetteront la désillusion dans le cœur de Merime. Un peu comme la promesse de l’âge adulte, n’est-ce pas ?
Mais l’arc narratif ne s’arrête pas là, au contraire, il trouve un second souffle dans cette déception, puisque c’est grâce à lui que Merime va enfin accepter de ne pas être « déjà adulte », et entrer pleinement dans cette phase de maturité qui n’est que le début d’un très long apprentissage.
Pourquoi lire Volontaire de Marie d’Anjou, que l’on ait atteint la maturité ou pas ?
Si l’aspect philosophique ne vous a pas convaincu, ne vous inquiétez pas : ce texte peut parfaitement se lire au premier degré, car il regorge de bonnes idées.
- Le style est parfaitement adapté au récit, avec un langage parlé qui respecte celui du pays, un peu surprenant au début, mais qui apporte une nouvelle dimension à l’immersion. La prose reste simple, avec parfois un mot méconnu qui nous permet d’enrichir notre vocabulaire (merci, Marie d’Anjou !).
- Le lecteur avance dans l’histoire à travers le regard de Merime, et s’y laisse facilement plonger. Merime est un personnage atypique dans le sens où elle présente un sens de l’efficacité à la limite de l’insensible : elle ne sourit jamais, estime que parler est une perte de temps, ne cherche d’information que dans les documents… et pourtant, elle remettra tous ses comportements en question, un par un, de la première à la dernière page.
- On (re) découvre le plaisir d’un amour naissant et en (re) vit les émois avec beaucoup de réalisme, car qui n’a pas rêvé de cette personne fascinante pour la première fois ? Qui n’a pas senti ses entrailles fondre à l’idée de le/la voir et, pire, de ne pas le/la voir ? Si ça ne vous est jamais arrivé, vous tiendrez l’occasion d’expérimenter !
- L’aventure se passe en grande partie dans l’office de travail de Merime, et pourtant, il y a autant d’action que dans un voyage autour du globe (j’exagère un peu).
Volontaire est dépaysant, surprenant, et sait nous tenir en haleine.
La fin n’apporte pas toutes les réponses aux différentes énigmes qui se posent au cours du récit, mais les points les plus importants trouvent leur conclusion, parfois inattendue. Le point le plus marquant de ce récit est la question qu’il nous pose en filigrane au travers de chaque page : être adulte, qu’est-ce ?
Ce qu'il faut retenir
Que retenir de cette analyse de Volontaire par Marie d’Anjou et de sa manière d’aborder l’apprentissage de la maturité ?
- Cette novella se lit rapidement, à l’heure du thé, pendant la sieste du pitchounou, ou entre deux arrêts de bus (ou métro, ou tram…)
- Il s’agit d’une introduction au monde de Marie d’Anjou, plus précisément, à l’initiation de Merime en tant que Sovrelle et adulte
- C’est un roman d’initiation très actuel qui s’articule autour de trois personnages symbolisant les différentes étapes du cycle de la maturité : « je voudrais être adulte » -> « je crois me comporter comme un adulte » -> « je crois être adulte » -> « j’ai compris que je n’étais pas encore adulte »
- Il y a un goût de trop peu qui fait bien son office : donner envie de lire la « suite »
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