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Qu’est-ce que l’écriture en flocon de neige ?

Non, ce n’est pas accumuler de petits bouts d’idées jusqu’à ce que vous en ayez assez pour bombarder une société d’édition avec une histoire en format boule de neige ! Tout comme les délicates fractales dont elle tire son nom, cette méthode de rédaction mêle en réalité processus créatif et méthodologie cadrée.

COMMENT CONCEVOIR UN ROMAN ?

Comme toute recette de cuisine, la méthode d’écriture en flocon de neige n’est qu’une base. Vous êtes par conséquent plus que bienvenus pour l’adapter à votre sauce et selon vos goûts personnels. D’autant plus qu’elle favorise d’elle-même un certain affranchissement des règles élémentaires de chimie culinaire telles que les quantités ou l’ordre de mixtion des composants.

Théorisée et diffusée par Randy Ingermanson depuis le début des années 2000, il s’agit d’une méthode de construction d’histoire. Très facile à appréhender, elle est un outil idéal pour les débutants, mais pas uniquement.

L’écriture en flocon de neige, tel un manuel de Lego, conseille avec bienveillance de commencer petit puis de construire étape par étape. Étapes au nombre de plus ou moins 10.

Ainsi, sans même vous en rendre compte, en vous concentrant simplement sur chaque phase et en vous amusant à les réaliser, votre projet ressemblera progressivement à une vraie histoire.
Et non à un amas informe d’idées à moitié abouties, joyeusement mâchouillé par le chien de l’indécision et allègrement torturé par le chat de la déception. (Oui, c’est bien toi que je regarde ô roman que j’ai démarré il y a 15 ans.)

Comme déjà vu dans l’article Comment commencer à écrire un roman ?, une première phase de compostage – floue et informelle – vous amène en général au moment où vous avez envie de coucher tout ça correctement sur papier.

Et c’est là que la méthode d’écriture en flocon de neige est précieuse.

ecriture-en-flocon-de-neige-von-koch -kurve-wikipédia
Flocon de Koch - Fractale issue d'un triangle équilatéral

REPRENDRE LES BASES

Les trois premières étapes de cette méthode sont à la fois les plus simples en apparence et les plus sensibles sur le fond.
Elles constituent un point de départ essentiel qui implique une profonde réflexion sur le sens global de votre histoire. Réalisables en plus ou moins une demi-journée, elles doivent vous permettre de caler les bases de votre roman.

1) Résumez votre projet de roman en une phrase (1 heure environ)

Pensez à :

  • aller au plus court, soit moins de 15 mots
  • ne pas utiliser les noms des personnages, mais plutôt leur caractéristique principale (un robot tueur venu du futur plutôt que Le Terminator)
  • connecter la petite histoire des personnages avec la grande histoire de l’intrigue
  • vous inspirer des pitchs de best-sellers

2) Développez votre phrase-résumé en un paragraphe (1 heure environ)

Attention :

  • prévoir une phrase par péripétie majeure
  • décrire le contexte de l’histoire, les principaux retournements et la fin du roman
  • ce n’est pas un texte qui a vocation à orner une 4e de couverture, il doit résumer toute l’histoire

3) Appliquez ce même processus à chaque personnage (1 heure environ par personnage)

Le package de base inclut :

  • le nom du personnage,
  • une phrase qui résume son histoire,
  • sa motivation principale,
  • son objectif principal,
  • l’obstacle ou conflit majeur qui le bloque dans l’atteinte de son objectif,
  • sa progression au cours du récit (comment évolue-t-il ?).

Selon vos besoins, vous pouvez également l’appliquer aux lieux majeurs (avec une ville comme Ankh-Morpork, cela demanderait typiquement un paragraphe par quartier). Ou bien aux concepts essentiels à la compréhension de l’histoire (une forme de magie particulière, des modalités de voyage dans le temps, une technologie futuriste…).

Attention, cet ordre des étapes favorise une progression logique pour détailler de plus en plus vos scènes. Mais rien n’interdit de faire des allers-retours entre elles pour les modifier afin d’améliorer leur cohérence. Tout n’a pas vocation à être parfait et les moments de type « Eureka » peuvent bousculer beaucoup de choses (15 ans vous dis-je !).

Avec ces trois premières étapes, vous êtes normalement en mesure d’identifier tout élément bancal dans votre scénario. Vous pouvez donc soit tout arrêter, si c’est irréconciliable, soit résoudre le problème.

Mais, au moins, vous n’avez pas perdu des centaines d’heures à rédiger un premier brouillon insatisfaisant pour vous sentir uniquement vidés, déçus et découragés.

ÉTOFFER ENCORE ET TOUJOURS

Si tout va bien et que votre maquette tient le coup, vous pouvez vous lancer sur les étapes suivantes.

4) Développez chaque phrase de votre résumé en un paragraphe (prévoyez plusieurs heures)

Prenez le temps et le plaisir de le faire ! Vous devriez aboutir à un squelette de récit d’environ une page (ou plus selon votre inspiration) et bien étoffé.

Attention, tous les paragraphes doivent en principe finir sur une péripétie. Sauf le dernier qui indique comment tout le bazar se termine. À vous de voir ce que vous préférez faire si votre histoire se déroule à l’envers ou dans le désordre.

5) Étoffez vos descriptions des personnages (un jour ou deux)

Suite directe de l’étape 3, cette phase vous invite à rédiger une description en une page de chaque personnage essentiel à l’intrigue et une demi-page pour les autres personnages importants. Le but est ici de raconter l’histoire selon leur point de vue.

Comme le note Randy Ingermanson, les synopsis de personnages ainsi obtenus peuvent même se substituer aux synopsis de scénarii plus traditionnels. Les maisons d’édition en sont en effet friandes.

6) Étoffez votre résumé en développant chaque paragraphe en une page (une semaine)

Amusez-vous à prendre chaque phrase du résumé préalablement synthétisé et à la transformer en un paragraphe. Ce processus doit vous permettre de fixer la logique d’ensemble de votre récit et d’appliquer des choix stratégiques.

Vous devriez aboutir à un synopsis très détaillé de quatre à cinq pages environ et totalement cohérent.

7) Créez des fiches personnages complètes (une semaine)

Prenez le temps pour entrer dans les moindres détails qui constituent les caractères et particularités de vos personnages : apparence, tics, préférences alimentaires, mimiques, biais de réflexion… Rendez-les réels !

8) Listez chaque scène indiquée dans votre résumé et insérez-les dans un document de type tableur

Fans d’Excel, cette étape est pour vous !
Le tableur est en effet le format idéal pour analyser en un clin d’œil votre scénario. Cette puzzlisation (tuiles comme Trello, tableur, fiches cartonnées) permet de déplacer plus facilement une scène à son meilleur emplacement dans l’arborescence du récit. Surtout si vous découvrez que vous avez besoin de la modifier (ce qui arrivera fatalement ; 15 ans c’est long).

Pour chaque scène (résumée en une phrase), il est utile d’indiquer a minima : le point de vue du personnage et ce qu’il s’y passe. Une fois ce premier jet mis en place, vous pouvez compléter votre tableur ou autre support avec des informations telles que le numéro de chapitre attribué à la scène ou le nombre de pages estimées.

CONCRÉTISER LA RÉDACTION

Il ne vous reste plus qu’à attaquer en bonne et due forme l’étape cruciale de la rédaction.

9) Prenez chaque ligne/scène du tableur et détaillez-les en plusieurs paragraphes sur votre logiciel de rédaction favori

Randy Ingermanson indique que cette étape peut être optionnelle. Il ne l’utilise d’ailleurs plus.
Elle reste toutefois très utile pour celles et ceux désireux de manipuler les idées concrètement. Cette étape peut notamment permettre d’imprimer une page par scène afin de les réarranger visuellement ou de les annoter librement.

10) Attaquez pour de bon la rédaction de votre premier brouillon

Grâce aux étapes précédentes, vous n’avez normalement plus à vous préoccuper de problèmes de cohérence de l’histoire du point de vue global. Vous pouvez vous concentrer sur la résolution de difficultés de petite ampleur liées à chaque scène, parce que vous savez ce qui vient après.

L’avantage de la méthode d’écriture en flocon de neige vient de ce que vous n’êtes pas obligés de l’implémenter au début de votre processus créatif. Elle est là pour vous aider à débloquer des problèmes de construction et de cohérence à n’importe quel moment.

Et ce, que vous utilisiez une, quatre, neuf, douze étapes ; que vous ayez déjà écrit un premier brouillon ; que vous ayez besoin de réécrire votre roman ou que vous cherchiez à intégrer les retours longs comme le bras d’un bêta-lecteur…

Si la méthode d’écriture en flocon de neige est ou devient votre outil de prédilection, Randy Ingermanson vous propose d’aller plus loin avec :

Ce qu'il faut retenir

La méthode d’écriture en flocon de neige invite à étoffer progressivement votre récit tout en vous assurant de sa cohérence globale.

Elle inclut plus ou moins 10 étapes clés.

Lentement, mais sûrement, elle passe d’une simple phrase bien synthétisée à un premier brouillon complet de tout votre roman.

2 réflexions au sujet de “Qu’est-ce que l’écriture en flocon de neige ?”

  1. C’est une méthode que l’on fini par appliquer naturellement à force de se lancer dans des inachevés. Il est toujours utile de la connaître avant de se lancer dans l’écriture, elle aide beaucoup!
    Merci pour cette explication précise.

  2. Il est effectivement toujours intéressant de mêler rigueur et créativité. Que l’on penche plus du côté rigoriste de l’écriture ou plus du côté créativité débridée (quand ce n’est pas les deux à la fois), l’équilibrage est la clé. ^^

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