Deuxième planète la plus proche du Soleil après Mercure, l’incorrigible chasseuse de records contradictoires, la planète Vénus ne serait-elle finalement qu’une beauté empoisonnée ? Si proche de la Terre par sa proximité, sa taille, sa composition, son histoire passée et la forte suspicion qu’elle aurait pu — voire pourrait actuellement — accueillir la vie, elle en est en même temps si éloignée. Et si son élégance et son uniformité apparentes sont indéniables, c’est pour mieux cacher sa dimension infernale, son activité incessante et sa complexité (un peu comme la déesse d’ailleurs dont les postures d’attente lascives sont fort trompeuses).
FICHE D’IDENTITÉ DE VÉNUS, BEAUTÉ EMPOISONNÉE
Vénus en quelques mots
Pour tous ceux qui n’ont pas le temps de tout lire ou souhaitent un bref aperçu de ce qu’est réellement la planète Vénus, voici une fiche d’identité rapide résumant sommairement ses principales caractéristiques.
Dénomination(s) commune(s)
Vénus / L’étoile du soir / L’étoile du berger / Lucifer et Vesper pour les gréco-romains selon sa visibilité du matin ou du soir
La planète Vénus porte le nom la déesse de la beauté et de l’amour. Il faut dire, qu’en tant qu’astre le plus brillant après la Lune dans le ciel nocturne antique, elle est immanquable et captivante. Cet éclat nocturne à part implique, par ailleurs, que Vénus peut projeter des ombres sur la Terre et même être parfois visible à l’œil nu en plein jour.
Âge
Environ 4 milliards d’années
Comme toutes les planètes du système solaire
Localisation galactique
Galaxie de la Voie Lactée, Bras d’Orion, à environ 8,5 parsecs (25 000 à 28 000 années-lumière) du centre galactique
Système solaire interne
2e planète la plus proche du Soleil avec 41 millions de kilomètres au plus près
Distance de la Terre
De 41 millions de kilomètres à 256 millions de kilomètres
Comme elle réfléchit la lumière du Soleil, Vénus n’est visible que en début et fin de nuit. Sa distance très variable par rapport à la Terre implique également qu’elle n’a pas la même luminosité tout au long de l’année et connaît deux pics par an.
Composition
Noyau : fer et nickel
Surface : roches basaltiques
Vénus est recouverte de volcans qu’il est impossible de voir directement depuis la Terre tant son atmosphère est opaque
Masse et pesanteur
Masse : 4,867 × 10^24 kg
Densité moyenne : 5,24 g/cm³
Pesanteur : 8,85 N/kg
Vénus est 1,2 fois plus légère que la Terre et la pesanteur y est un peu moins forte : une personne de 50 kg y pèserait 45 kg
Diamètre équatorial
12 103,6 km
Étonnamment proche de celui de la Terre à 12 7742 km
Atmosphère
Gaz carbonique : 96 % / Azote : 3 %
Une couche opaque de nuages d’acide sulfurique réfléchissants empêchent la surface de Vénus d’être vue depuis l’espace. Si un observateur se tenait à la surface de Vénus – dotée d’une pression atmosphérique 92 fois supérieure à celle de la Terre – il ne verrait qu’une purée orange et aucune ombre.
Température
465 °C en surface
Bien que plus éloignée du Soleil que Mercure, Vénus est pourtant bien la planète la plus chaude du système solaire à cause de son effet de serre infernal
Rotation
Période de rotation sur elle-même : 243 jours terrestres (8 mois)
Rotation de l’atmosphère : 4 jours
Outre sa rotation rétrograde, comme celle d’Uranus, Vénus est la planète du système solaire la plus lente à tourner sur son axe
Orbite
Période de révolution autour du Soleil : 225 jours terrestres
Vitesse orbitale moyenne : 35 km/s
En raison de sa lente rotation, Vénus a une excentricité orbitale presque nulle et possède l’orbite la plus circulaire de toutes les planètes du système solaire, avec un aplatissement considéré comme nul
Nombre de satellites
0
Comme Mercure, Vénus n’a pas de satellite. Leur vitesse de rotation très lente empêcherait des satellites de rester en orbite.
Symbole astronomique
Selon toute logique, le symbole astronomique de Vénus ne pouvait être que le symbole du féminin
Intéressant à savoir
Les symboles astronomiques des planètes du système solaire sont dérivés de la première lettre de leur nom grec. Pour Vénus, il s’agit donc de Phōsphoros (ou Hespéros), l’étoile du matin (Lucifer pour les Romains) en tandem avec son frère Esophoros (Vesper pour les Romains), l’étoile du soir.
La planète Vénus, une jumelle infernale de la Terre ?
Vénus est indéniablement très proche de la Terre si l’on s’arrête aux apparences, au point de la qualifier de planète sœur voire de jumelle de la Terre :
- masse et densité analogues
- rayon équivalent (6051 km pour Vénus contre 6378 km pour la Terre)
- proximité du Soleil semblable
- composition rocheuse similaire
Et pourtant, la liste de leurs différences est bien plus imposante puisque Vénus dispose notamment :
- d’un champ magnétique bien plus faible
- d’une atmosphère beaucoup plus dense composée de CO2 à 95 %
Les innombrables volcans de Vénus représentent sa source principale de CO2. Très comparables aux volcans terrestres actifs, qui produisent de 1 à 5 millions de tonnes de gaz par an, ils sont ainsi des milliers à alimenter l’effet de serre totalement emballé de la planète - de nuages constitués d’acide sulfurique généré par ses très nombreux volcans
Par conséquent, 80 % de la lumière solaire arrivant sur Vénus est renvoyée par cette atmosphère, qui se distingue comme étant la plus réfléchissante et la plus blanche de tout le système solaire - d’une rotation rétrograde
Cette dernière — ainsi que la lenteur de rotation de Vénus autour de son axe — aurait été provoquée par de violentes pluies de météorites - d’un climat infernal atteignant 482 °C en surface
Cela est dû à l’effet de serre très fort sur Vénus, qui a, entre autres, évaporé tous les océans de la planète et piégé toujours plus la chaleur dans une atmosphère continuellement alimentée par le CO2 des volcans - de secousses électriques qui parcourent l’atmosphère et peuvent atteindre 27 000 degrés en à peine une seconde
Toutefois, la pression atmosphérique 90 fois plus importante sur Vénus empêche cette foudre de toucher le sol et la contraint à passer de nuage en nuage
Comprendre comment fonctionne l’effet de serre
Une voisine très proche à la rotation et à l’orbite excentriques
Malgré ces différences que certains qualifient d’infernales, Vénus n’en reste pas moins proche de la Terre.
Elle est ainsi la première planète dont l’Homme ait tracé les mouvements et est très présente dans les mythologies et les littératures antiques sous divers noms, dont le plus connu est l’Étoile du Berger.
En raison de cette proximité, Vénus a également été la première planète explorée par un véhicule spatial, à savoir Mariner 2 en 1962 et la première planète à avoir reçu la visite d’une sonde spatiale, Venera 7 en 1970.
Mais, de loin Vénus a déjà de quoi surprendre !
Elle est notamment dotée d’une rotation rétrograde d’est en ouest. Une rotation sur elle-même qui est, par ailleurs, la plus lente de tout le système solaire, puisqu’elle s’effectue en 243 jours (soit plus lentement qu’une année vénusienne de 225 jours).
Le tout avec une orbite quasi circulaire et un axe de rotation très peu incliné sur le plan orbital qui joue les excentriques par son absence d’excentricité. Un des effets majeurs consécutifs à cet état est que les saisons sont vraisemblablement peu marquées sur Vénus.
Néanmoins, en dépit de cette proximité, voir plus loin que l’épais voile de nuages de Vénus n’est pas chose aisée. Ainsi, les premières images et cartes détaillées de la surface de Vénus n’ont été que difficilement possibles avant les observations de l’orbiteur Magellan en 1991. Mais à quoi ressemble donc Vénus sous son maquillage ?
À QUOI RESSEMBLE VÉNUS, LA PLANÈTE LA PLUS CHAUDE DU SYSTÈME SOLAIRE ?
Si, selon toute logique, Vénus devait avoir une composition similaire à la Terre (un noyau semi-liquide, un manteau et une croûte), l’épais brouillard orangé permanent de Vénus n’en finit pas de brouiller les pistes.
Le noyau de la planète Vénus : solide ou liquide ?
S’il est de plus en plus clair que le noyau de Vénus est composé de fer et de nickel, la question de son état n’est pas encore tranchée.
Sur Terre, le champ magnétique est dû à la présence dans le noyau d’un liquide conducteur, d’une rotation et d’une convection (différentiel de température entre les parties liquides du noyau) générant un effet dynamo.
Toutefois, sur Vénus, le très faible champ magnétique interne, le fait qu’aucune activité tectonique n’a encore été observée et l’existence d’une chaleur interne pourtant proche de celle de la Terre font débat.
1. Les arguments pour un noyau solide
L’absence de champ magnétique sur Vénus indiquerait un noyau solidifié et donc incapable de produire un effet dynamo. Cela expliquerait, par voie de conséquence, l’absence d’activité tectonique générée par les mouvements d’un noyau au moins partiellement liquide.
Dans ce cadre, ce serait le manteau silicaté qui génèrerait assez de chaleur pour générer une fusion partielle des roches en profondeur et justifier le niveau de chaleur interne actuel de Vénus comparativement à la Terre.
2. Les arguments pour un noyau mixte
Dans cette perspective, l’absence de champ magnétique interne s’expliquerait par la présence d’une croûte très dure retenant la chaleur et empêchant Vénus de se refroidir plus rapidement. La planète pourrait ainsi avoir un noyau de 2900 km de rayon, dont la partie interne solide représenterait 17 % du rayon total de la planète et la partie externe liquide 30 %.
3. Les arguments pour un noyau entièrement liquide
Une autre théorie impliquerait :
- soit un noyau entièrement liquide aux frontières un peu floues et dont les mouvements entraînent une rotation suffisante
- soit un noyau incapable de se refroidir et dont la température serait homogène, expliquant l’absence de convection
Au-delà de ce noyau bien mystérieux, Vénus serait dotée d’une lithosphère élastique similaire à la Terre, d’environ 35 km d’épaisseur compatibles avec une activité volcanique et une activité tectonique. Tandis que les analyses de surface des sondes Venera, dans les années 80, indiquent une croûte silicatée, composée d’éléments radioactifs et d’une épaisseur de 10 à 30 km.
La surface volcanique de Vénus
Indéniablement, le passé de Vénus a été mouvementé ! Et si de vastes plaines géologiquement jeunes constituent 70 % de sa surface, les témoins d’un passé tectonique et volcanique sont particulièrement présents.
Ainsi, entre les canyons creusés pendant plusieurs mois par une lave refroidissant bien moins vite que sur Terre, les montagnes de plusieurs kilomètres de haut, les très nombreux dômes volcaniques, les coulées de lave recouvrant les sols de verre et de cristal ou encore les impacts de météores, la surface de Vénus est loin d’être tranquille ! Sans oublier une température de 471 °C.
On estime aujourd’hui qu’il y a de 100 000 à 1 million de volcans sur Vénus. Et si le mont Maxwell culmine à 10 500 km, le volcan le plus haut, le mont Maat, culmine, lui, à 8 km.
Enfin, la croûte de Vénus se déforme selon 3 structures principales connues sur Terre, mais produites par une dynamique interne au moins partiellement différente de la tectonique des plaques terrestre :
- linéaires, avec les chaînes de rides et de fractures,
- arquées, avec les chaînes de montagnes,
- circulaires, avec les coronæ ou couronnes, qui résultent de panaches de matière chaude interne remontant à travers le manteau et la croûte pour générer de vastes formations circulaires de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre et présentant des failles sur l’extérieur.
La grande variété de phénomènes tectoniques et la répartition géographique de l’activité tectonique semblent indiquer que les déformations régionales (compressions et extensions) ainsi que les mouvements verticaux et horizontaux ont joué un rôle déterminant dans l’évolution géologique de cette planète. Cependant, les mécanismes globaux qui sont à l’origine de ces déformations et de ces mouvements ne sont pas encore compris, de même que les relations pouvant exister entre ces mécanismes et l’activité volcanique.
Vénus, une planète encore active ?
Vénus est recouverte de volcans, c’est un fait. Mais sont-ils encore en activité ?
Dans la mesure où la surface de Vénus est peu constellée de cratères d’impacts, il est certain qu’ils étaient encore actifs à une période récente à l’échelle géologique. L’âge moyen de la croûte de Vénus est ainsi estimé à 500 millions d’années, ce qui est relativement jeune.
Mais ce sont les coronæ qui tranchent pour une activité volcanique actuelle sur Vénus. Loin d’être uniquement des vestiges anciens, quelques-uns trahissent une activité interne certes hétérogène, car concentrée sur certaines zones, mais indéniablement récente.
On pensait aussi jusqu’à présent que ces coronæ étaient sans doute relativement anciennes, mais une publication dans Nature Geoscience provenant du travail d’une équipe internationale de chercheurs de l’université du Maryland (UMD) et de l’Institut de géophysique de l’ETH Zurich, en Suisse, suggère qu’il en est tout autrement pour au moins 37 coronæ.
Malheureusement, pour ceux qui souhaiteraient prendre de la hauteur par rapport à cette surface invivable, l’atmosphère irrespirable de Vénus n’est pas vraiment plus hospitalière !
L’ATMOSPHÈRE DE VÉNUS : À COUPER LE SOUFFLE (ET AU COUTEAU)
C’est le polymathe russe, Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov qui l’a découverte en 1761. Puis, en 1958, des radioastronomes captent des indices de sa température avoisinant les 600 K (326 °C), avant que le jeune Carl Sagan ne démontre l’existence de l’effet de serre responsable de ces températures infernales.
Les particularités de l’atmosphère de Vénus
À l’heure actuelle, quelques éléments semblent clairs concernant l’atmosphère de Vénus composée à plus de 99,9 % de deux gaz : le dioxyde de carbone CO2 (96,5 %) et l’azote N2 (3,5 %).
Tout d’abord, entre 32 et 90 km au-dessus de la surface, on observe que des nuages constitués de gouttelettes et de cristaux d’acide sulfurique bloquent 80 % de la lumière du Soleil. Ainsi, seuls 5 % de la lumière atteint le sol de Vénus, où tout paraîtrait orange si vous vous y teniez… avec difficultés puisque la pression y est de 90 atmosphères terrestres (9,5 MPa).
La pression élevée est due au dégazage intense de la roche à haute température. Des composés soufrés sont présents dans l’atmosphère, sous forme d’anhydride sulfureux SO2 (0,015 %) et, éventuellement, d’acide sulfhydrique H2S et d’oxysulfure de carbone COS, alimentant l’épaisse couche de nuages située entre 50 et 70 kilomètres d’altitude, essentiellement constituée de gouttelettes d’acide sulfurique H2SO4.
Ensuite, la température s’élève jusqu’à 750 kelvins (480 °C) pour les régions les plus chaudes, l’effet de serre faisant écran au rayonnement thermique infrarouge du sol. Mais on trouve également des températures glaciales sur Vénus, essentiellement au niveau du vortex polaire où elles descendent jusqu’à -157 °C, tel que l’a découvert Venus Express (11 avril 2006 – 16 décembre 2014).
Enfin, l’atmosphère de Vénus tourne extrêmement vite et de façon rétrograde par rapport à sa rotation (elle-même rétrograde par rapport à la Terre). Cet effet génère notamment des vents de plus de 360 km/h en altitude au-dessus de l’équateur.
Une atmosphère en super-rotation
On parle ainsi pour Vénus d’une atmosphère en état de super-rotation, puisqu’elle tourne plus vite que la planète elle-même. Deux forces s’affrontent dans ce phénomène. D’une part, un fort transfert de moment cinétique pour maintenir l’atmosphère autour de la planète malgré les forces de frottements avec la surface de la planète. D’autre part, la rotation de la planète qui est, elle, ralentie par les forces de marée exercées par le Soleil et qui tentent d’établir une rotation synchrone pour Vénus.
L’équilibre et le maintien de la super-rotation sont rendus possibles par l’action des forces de marée thermiques.
Selon cet effet, l’atmosphère de Vénus faisant face au Soleil se dilate, tandis que celle de la face nocturne opposée se contracte. Les transferts de chaleur et le réajustement des pressions entre ces deux faces provoquent un renflement de l’atmosphère presque perpendiculairement à la direction du Soleil.
Mais ce n’est pas là la dernière curiosité de l’atmosphère de Vénus !
« C’est sur ce renflement que les forces de marée du Soleil vont agir avec, comme effet final, de maintenir par le couple qu’elles exercent la super-rotation de l’atmosphère. » Vénus : le mystère de la super-rotation de son atmosphère enfin résolu ?, par Laurent Sacco
Ondes de gravité sur Vénus
Autre effet étonnant, il s’est avéré que la densité de l’atmosphère vénusienne n’est pas aussi élevée que prévu. Elle est 22 % plus faible à 130 km d’altitude, 40 % plus faible à 140 km d’altitude… Une cause possible serait les vortex polaires de Vénus aux systèmes de vents forts.
Quoiqu’il en soit, l’effet de ce différentiel de densité est la présence dans l’atmosphère de Vénus de deux types d’ondes :
- des ondes de gravité, comme sur Terre, Mars ou pluton lorsque le front d’une masse d’air passe brutalement au-dessus d’un relief et qu’il ne faut pas confondre avec les ondes gravitationnelles dans l’espace
- des ondes liées à la rotation de la planète sur son axe, qui s’étendent sur plusieurs jours
Il est par conséquent fort possible que coexistent des ondes dans les couches nuageuses supérieures s’arrêtant autour de 90 km d’altitude et une onde planétaire oscillant sur une période de 5 jours.
Ces vagues sont délicates à étudier, explique Sean Bruinsma, chercheur au CNES et coauteur des recherches. Il est nécessaire d’être dans l’atmosphère de la planète elle-même pour les mesurer correctement. Les observations plus lointaines ne peuvent pas nous en dire beaucoup. »
Une surface infernale façonnée par les volcans, une atmosphère méphitique, lourde et dense qui englobe toute la planète en plus de tourner à une vitesse folle… Vénus n’est pas vraiment la destination de vacances rêvée. Et pourtant, il semblerait que d’irréductibles organismes vivants en aient malgré tout fait leur demeure !
DE LA VIE SUR VÉNUS, JUMELLE INFERNALE DE LA TERRE ?
Il n’est pas ici question de vie à la surface de Vénus aux températures invivables, mais plutôt dans son atmosphère irrespirable. En effet, à 50 km d’altitude, nonobstant les nuages acides, les conditions sont bien plus favorables avec 15 à 30 °C, une pression de 0,5 bar et même de l’eau en gouttelettes !
L’énigme de la phosphine
La grande énigme de la vie sur Vénus repose sur la présence surprenante d’un gaz son atmosphère si toxique : la phosphine. Un gaz qui, sur Terre, est uniquement fabriqué industriellement ou par des organismes extrêmophiles. Sa particularité : il est très sensible au rayonnement ultraviolet et se dégrade très rapidement au contact de l’oxygène (qui abonde sur Vénus par le biais du CO2). Par conséquent, pour être détecté en quantité suffisante, il doit nécessairement être renouvelé par une source.
1. Les pour de la vie sur Vénus
Dès les années 60, Carl Sagan est convaincu de la possibilité d’une forme de vie dans les nuages de Vénus. Une théorie reprise dans les années 90 par David Grinspoon, admiratif de la richesse géochimique de Vénus, à l’inverse de la Lune et de Mars « mortes depuis longtemps. »
De plus, depuis les années 70, les outils d’observation de l’atmosphère de Vénus ont constaté d’étonnantes stries sombres visibles dans l’ultraviolet, qui ne se mélangent pas avec le reste. Parmi les hypothèses avancées, celle de micro-organismes n’a pas été éliminée et concurrence encore celle de substances dissoutes dans des gouttelettes d’acide sulfurique et celle de microcristaux de glace en suspension.
Plus récemment, la détection d’une raie d’absorption correspondant à la molécule de la phosphine dans l’atmosphère vénusienne a été effectuée par deux télescopes différents. D’abord le James Clerk Maxwell (JCMT) à Hawaï par Jane Greaves en juin 2017, puis l’Atacama Large Millimeter Array (Alma) au Chili par Sara Seager en mars 2019.
Le second n’étant rien de moins que l’interféromètre radio le plus puissant au monde, il a estimé la teneur en phosphine de l’atmosphère vénusienne à 0,02 partie par million, soit 20 molécules sur 1 milliard. Il l’a également localisée entre 53 et 61 km d’altitude.
Or, d’après les calculs, une telle teneur ne pourrait se maintenir plus de 1000 ans sans régénération. Une source capable de produire régulièrement de la phosphine semble donc bel et bien se trouver sur Vénus.
Mais plusieurs contre-expertises laissent planer le doute sur la certitude de la présence de phosphine.
2. Les contres de la vie sur Vénus
Certains estiment qu’il n’y a en réalité pas du tout ou très peu de phosphine.
Pour une équipe de scientifiques néerlandais, sa détection serait issue d’une erreur de calcul. D’autres considèrent que la quantité de phosphine repérée devrait être dans les faits quatre fois plus faible (5 parties par milliard), d’après les données relatives à la pression.
Par ailleurs, des recherches complémentaires afin de localiser la phosphine dans une autre bande spectroscopique, notamment dans l’infrarouge disponible dans les archives de données, n’ont pas permis de l’identifier. La recherche de molécule PH3, jugée plus fiable pour caractériser la phosphine que le système de détection précédent, a ainsi été non concluante.
Cela n’implique toutefois pas obligatoirement une absence de phosphine puisque l’atmosphère vénusienne reste encore très mystérieuse par bien des aspects (par exemple la disparition du dioxyde de soufre entre 60 et 80 km d’altitude).
De plus les résultats réanalysés de Pioneer Venus Probe (1978) indiquent des traces de phosphine. Seul bémol : il est très facile de confondre la phosphine avec le sulfure d’hydrogène et les analyses doivent être approfondies.
Par conséquent, on ne peut encore parler que de possible détection de phosphine. D’autant plus que présence de phosphine ne signifie pas obligatoirement présence de vie !
Toutefois plusieurs simulations de pressions, températures et interactions entre molécules présentes dans l’atmosphère vénusienne tendent fortement à l’impliquer. En effet, les autres explications envisagées ne justifient pas la quantité de phosphine repérée. Mais l’inventaire des possibilités est encore en cours.
3. Des missions d’exploration à venir vont donc devoir trancher la question
Vénus remonte en effet dans l’estime des scientifiques par rapport à Mars et elle sera l’objet de plusieurs missions observatoires dans les 10 prochaines années.
- BepiColombo a survolé Vénus fin 2020 avec un spectromètre thermique infrarouge capable de détecter la phosphine
- Vers 2026, Shukrayaan-1 devrait partir pour cartographier et explorer la surface et l’atmosphère, suivi par la Mission Veritas pour détecter une activité volcanique
- Entre 2025 et 2030, Davinci+ devrait s’élancer pour faire des survols et traverser l’atmosphère, tandis que Venera-D aura pour objectif d’expliquer la super-rotation de l’atmosphère et atterrir à la surface
- Vers 2032, Envision aura pour mission de pour décrypter l’évolution géologique et climatique de la planète Vénus
Une chose est sûre, s’il n’est pas certain que Vénus est actuellement porteuse de vie, il est très possible qu’elle l’ait été jusqu’à il n’y a pas si longtemps à l’échelle géologique.
Vénus a-t-elle été habitable ?
L’emballement de l’effet de serre sur Vénus aurait pu se produire il y a seulement 700 millions d’années. Avant cela, la planète aurait pu être une véritable planète bleue jumelle de la Terre pendant près de 3 milliards d’années. Une durée amplement suffisante pour l’émergence de la vie !
Les données de Pioneer 12 et les simulations de l’équipe de Michael Way basée sur l’évolution de la Terre indiquent qu’il y avait autrefois sur Vénus un vaste océan doté de courants influençant une atmosphère aux températures suffisamment clémentes pour permettre éventuellement l’apparition de la Vie jusqu’à l’emballement de l’effet de serre il y a 715 millions d’années.
Un océan qui aurait paradoxalement causé sa propre disparition par évaporation en ralentissant la planète avec ses marées.
Des simulations calquées sur les marées terrestres indiquent que les effets de marées sur Vénus auraient pu ralentir considérablement la planète jusqu’à 72 jours tous les millions d’années. Cet effet serait responsable de la moitié du ralentissement total de la planète, l’autre moitié étant due à des mouvements atmosphériques.
Enfin, la répercussion peut-être la plus étonnante de cette habitabilité de Vénus est qu’elle aurait pu être une des sources de la vie sur Terre par panspermie !
En effet, les astéroïdes et comètes ayant percuté Vénus pendant sa période d’habilité auraient pu propulser jusqu’à une dizaine de milliards de fragments rocheux sur l’orbite à destination du système Terre-Lune.
Ce qu'il faut retenir
Longtemps considérée comme une sœur jumelle de la Terre, la planète Vénus dissimule en réalité une surface volcanique infernale et une atmosphère suffocante sous les magnifiques nuages d’acide sulfurique blancs qui l’entourent.
Ainsi, par delà les apparences et les similitudes de taille avec la Terre, Vénus a un caractère bien affirmé. Elle se distingue notamment par :
- une atmosphère dense composée de CO2 à 96 % et dont l’effet de serre totalement emballé est essentiellement alimentée par les très nombreux volcans de Vénus, dont certains sont encore actifs
- des nuages opaques d’acide sulfurique qui agissent comme un véritable maquillage
- une rotation rétrograde doublée d’une lenteur de rotation vraisemblablement causées par de violentes pluies de météorites
- un climat infernal atteignant 482 °C en surface
- une pression atmosphérique 90 fois plus importante que sur Terre
Et pourtant, malgré ces caractéristiques infernales, il y aurait eu de la vie sur Vénus avant l’emballement de son effet de serre il y a environ 715 millions d’années.
Plus surprenant, il y aurait encore aujourd’hui de la vie dans l’atmosphère acide et suffocante de Vénus. À partir 50 km d’altitude, les conditions sont plus clémentes, et des extrémophiles générateur de phosphine y auraient élu domicile.
Pas étonnant que les missions d’exploration de Vénus repartent à la hausse après un long désamour des corps scientifiques en faveur de Mars !