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Conseils d’auteur par : Jack London

Sans mâcher ses mots et sans aucun tabou sur le dur milieu de l’édition, Jack London est un de ces auteurs de renom qui livrent des conseils avisés, mais surprenants aux aspirant.e.s écrivain.e.s.

Découvrez, posés avec un gars et son chien, les 10 conseils d’auteur pour aspirant.e.s écrivain.e.s professionnel.le.s du spécialiste Jack London. Pour répondre à cette épineuse question de savoir comment vivre de sa plume, la compilation Profession : écrivain — issue de 93 textes de Jack London faits de correspondances et d’articles produits pour de petites revues — a été très largement mise à contribution.

Jack London : un auteur de renom

  • Un auteur prolifique aux œuvres reconnues

Jack London, vous avez forcément grandi avec ses romans empreints d’aventure, de nature sauvage et de sa propre expérience sur les routes du monde.
De son premier, L’appel de la Forêt (1903), à son dernier, La Petite Dame dans la grande maison (1916), en passant par l’illustrissime Croc Blanc (1906) et au moins une excursion vers la Science-Fiction avec Le Vagabond des étoiles (1915)…
Sans compter quelques publications posthumes et surtout plus de deux cents nouvelles à son actif !

Que ce soit en langue anglaise ou en traduction, nombre de ces ouvrages sont désormais des incontournables de la littérature jeunesse et même plus. Toutefois, si certains de ses personnages sont devenus des références communes de la culture générale, leur auteur n’a pas toujours bénéficié d’une telle notoriété.

  • Une réputation gagnée à la force du poignet

Génial autodidacte américain né en 1876 et mort en 1916, Jack London est en effet issu d’un milieu très populaire. Il a d’ailleurs été contraint de quitter l’école très tôt pour travailler et a vécu dans la pauvreté.

C’est ainsi sans études, sans mentor, sans réseau, sans argent et contre l’avis véhément de son entourage qu’il s’est lancé dans l’aventure littéraire.

Nonobstant cette conjoncture défavorable, il n’en a pas moins réussi à devenir l’un des plus grands romanciers de son époque.
Ainsi, fin 2018, The Ranker lui accorde le rang de 8e meilleur auteur américain de tous les temps, tandis que The Telegraph classe L’appel de la Forêt 5e meilleur roman nord-américain de tous les temps. Enfin, signe qui ne trompe pas pour un francophone, La Pléiade l’a accueilli parmi ses auteurs en 2016.

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Jack London, The Call of the Wild, Première édition reliée en 1903
  • Un auteur prodigue de conseils

Familier des difficultés d’écriture et de publication, et en tant qu’un des tout premiers Américains à faire fortune grâce à la littérature, Jack London n’est pas avare de conseils d’auteur éclairé. Le recueil Profession : écrivain, édité pour la première fois en 1980 en témoigne.

Ce qui nous amène à notre vidéo du jour et à ses précieux conseils !

Un très grand merci à Romain de 1000 idées de culture générale pour avoir extrait la substantifique moelle de ces indispensables conseils pour affronter l’impitoyable monde de l’édition ! Si vous souhaitez en savoir plus sur Profession : écrivain, Romain met d’ailleurs à disposition ses notes de lecture complètes.

Les 10 conseils de Jack London (sans tabou) — 1000 idées de culture générale
(un gars, Romain, posé avec son chien, Aristote, dans le rôle de l’éditeur punchingball)
— 25 minutes (qui valent vraiment le coup)

LES 10 CONSEILS D’AUTEUR DE JACK LONDON

Les 10 conseils présentés ci-dessous et dans la vidéo sont triés par ordre de priorité pour les débutant.e.s. Vous verrez cependant qu’ils ne sont pas entièrement décorrélés les uns des autres et font sens ensemble comme un mode d’emploi de l’écrivain, si ce n’est un mode de vie (où le tabassage d’éditeur est une chose admise).

CONSEIL n° 1 : Lire et étudier tout au long de la vie

Lire beaucoup est essentiel pour Jack London, car l’écrivain est d’abord un lecteur.
Il a lui-même appris à lire à 5 ans et a beaucoup recouru aux emprunts en bibliothèque. Il avait toujours un livre à la main et même, plus tard, dans son lit !

Pour Jack London, apprendre tout au long de sa vie grâce à la lecture permet en fait de connaître et s’inspirer des principes et succès des écrivains professionnels.

CONSEIL n° 2 : Être discipliné

Je livre toujours la copie promise.

Autodidacte rigoureux, il convient pour Jack London de se plier à la discipline de son métier.
Un métier d’écrivain qui se caractérise par 4 composantes :

  • Être régulier

L’écrivain ne doit pas attendre l’inspiration, mais plutôt la harceler en se mettant au travail, quelle que soit sa motivation.
Jack London conseille ainsi de se fixer un objectif quotidien d’écriture d’environ 1000 mots par jour, si et seulement si ce sont les 1000 meilleurs mots que l’on puisse trouver. Il considère que ce nombre représente un bon compromis entre quantité et qualité.

Imposez-vous une besogne et veillez à l’accomplir chaque jour, vous aurez plus de mots à votre crédit à la fin de l’année.

  • Écrire une seule histoire à la fois

Dans ce contexte, Jack London recommande d’appliquer la méthode des 1000 mots par jour pendant 60 jours sans penser au résultat final. Puis de procéder à des tests successifs sur 90 jours en adoptant le rythme deux mois de travail et un mois de repos pour récupérer et réfléchir.

  • Prendre des notes

L’idéal est ici d’avoir toujours son carnet à portée de main, voire qu’il devienne une extension de soi.

  • Rester en bonne santé

L’énergie à investir dans l’écriture, que ce soit la seule occupation de l’écrivain.e ou qu’elle subisse la concurrence d’un travail alimentaire, est le véritable nerf de la guerre.

CONSEIL n° 3 : Travailler comme un fou

Le travail est tout ; c’est la sanctification et le salut. […] Écrivez ce mot en majuscules, TRAVAIL, TRAVAIL tout le temps.

Plus que le talent, c’est le labeur qui fait la différence pour Jack London, surtout si l’on désire vivre de sa plume.
Toutefois, pour l’auteur débutant et éventuellement en urgence économique, Jack London ne recommande pas de quitter son emploi. Mais plutôt de miser sur la régularité du travail pour compenser le manque de temps.

D’autant plus qu’un inconnu doit nécessairement proposer un travail de qualité supérieure à ce qui existe déjà pour contrebalancer son absence de notoriété initiale. Sinon la maison d’édition ne prendra pas de risque.

CONSEIL n° 4 : Partir des besoins du public

Pour le pragmatique Jack London, l’écriture est une activité commerciale avec ses producteurs et ses consommateurs.
Un contexte dans lequel les écrivain.e.s débutant.e.s n’ont souvent pas le choix de faire de l’art pour l’art et doivent donc vendre des idées correspondant aux attentes du marché. Ce qui peut impliquer de devoir modifier son histoire pour la conformer à certains critères agréables au public pour en maximiser la valeur marchande.

Par exemple : s’inspirer systématiquement de la réalité, rendre le récit réaliste quitte à choquer le bourgeois, développer la psychologie des personnages, s’appuyer sur une idéologie qui est dans l’air du temps…

Non-avare de piques à son public, Jack London n’hésite toutefois pas à souligner que l’on a tendance à sous-estimer l’inculture de la masse démocratique des lecteurs.

C’est le troupeau où règnent la fantaisie et le caprice, la marotte et la mode, c’est la masse instable, incohérente, parlant et pensant comme la foule, les « singes » excusez-moi, du temps présent.

CONSEIL n° 5 : Commencer petit

Pour un écrivain néophyte, il ne sert à rien de chercher à écrire un classique du premier coup !
Il est en réalité bien plus efficace de simplement
travailler avec humilité afin de progresser et améliorer son style. Sachant, de plus, qu’aucun éditeur ne donnera sa chance à un débutant sous prétexte qu’il fait de gros efforts, car il commettrait alors une faute économique.

Selon Jack London, deux possibilités de démarrage de carrière pour l’écrivain professionnel existent :

  • Écrire un livre à succès
  • Se démarquer d’abord avec de bonnes nouvelles dans les magazines et des participations à des concours littéraires…

CONSEIL n° 6 : Persévérer

  • Tenir sur le long terme

Ce conseil est assez proche du n° 3 qui recommande de travailler comme un fou. Mais, il implique en complément une notion de tenue dans la durée, puisqu’il s’agit en effet de persévérer dans l’adversité.

Considérons par exemple qu’à une époque, Jack London essuyait tellement de refus qu’il s’est retrouvé à court de timbres au moment de répondre aux premiers retours positifs. Sur un aussi long cours démoralisant, il apparaît alors difficile de maintenir un rythme de production élevé sans sacrifier la qualité.

Un.e écrivain.e averti.e devra, par conséquent, faire attention à garder du temps et de l’énergie pour traquer les moindres imperfections et même de ne pas s’en satisfaire et de chercher à aller toujours plus loin.
Il s’agit en réalité ici ni plus ni moins que de développer son perfectionnisme.
D’autant plus que les honneurs reviennent en fin de compte à ceux qui s’investissent dans le travail.

  • Petit calcul de la persévérance

La persévérance n’est pas, dans ces conseils d’auteur, un mot dénué de matière.
En effet, un rapide calcul donne une idée de l’
investissement que l’écriture d’un roman nécessite selon Jack London. Ce dernier recommande, ainsi, de tenter des tests de 90 jours pendant au moins 5 ans.

  • Soit 1 test = 90 jours (3 mois)
  • 1 an (12 mois) = 4 tests
  • 5 ans = 20 tests
  • Ce qui revient à tenter sa chance au moins 20 fois !

Mentionnons d’ailleurs que c’est dans son roman autobiographique Martin Eden que Jack London décrit toute la persévérance dont il a dû faire preuve pour surmonter les déceptions au travers desquelles il est passé avant d’enfin convaincre les éditeurs

Celui qui n’est pas satisfait est le seul à faire des choses. Celui qui est satisfait ne fait rien. L’absence de satisfaction est le stimulant de la réalisation. La satisfaction est destruction et l’antichambre de la mort.

CONSEIL n° 7 : Cultiver un style simple et efficace

  • Le lien étroit entre style et pensée

L’histoire ne fait pas tout. Il faut également la transmettre dans la forme la plus agréable possible.
D’autant plus que la qualité d’écriture découle de celle de la pensée, c’est-à-dire que l’amélioration du style passe par l’amélioration de la pensée. D’où l’importance des conseils n° 1 et n° 4 de lire et étudier toute sa vie, ainsi que de partir du public pour les attentes sur le style.

Jack London détaille à ce propos quelques pistes qu’un.e écrivain.e peut explorer afin de cultiver un tel style :

  • Entrer vite dans le vif du sujet
  • Proposer une histoire non foisonnante de détails superflus
  • Laisser le lecteur utiliser son imagination
  • Épargner au lecteur les digressions philosophiques ou morales en plein milieu du récit
  • Savoir qu’un adulte réfléchit de manière indépendante…
  • Être simple et efficace

En tant que darwiniste, Jack London rapproche l’évolution du style littéraire de la théorie de l’évolution des espèces, qui vise une économie de temps.
Littérairement, cela s’exprime par exemple par la substitution des métaphores, plus rapides à saisir, aux allégories, plus longues à mettre en place ; ou par la disparition progressive des pléonasmes et la baisse statistique du nombre de mots par phrases.

À l’époque de Jack London, l’ère du roman-fleuve est, de fait, révolue.
Elle laisse la place à des romans de 40 000/60 000 mots lisibles d’une seule traite.
Cependant, même si cette analyse n’est peut-être pas entièrement vraie aujourd’hui dans un monde friand de séries et de sagas, il n’en reste pas moins que tout auteur et toute autrice doit se poser la question du style le plus simple et efficace qu’il ou elle puisse produire.

  • À l’aide de quelques règles claires

Au-delà des attentes du moment, il existe tout de même des règles intemporelles :

  • Diversifier le vocabulaire pour éviter les répétitions
  • Varier les structures de phrases
  • Faire l’effort de chercher des images
  • Réaliser les omissions avec finesse…

Enfin, ce qu’il est également utile de retenir, c’est essentiellement qu’il ne faut pas écrire en une seule traite.
L’écriture d’un roman est un processus nécessitant un certain mûrissement. Ainsi, dans son cas, Jack London essaie d’atteindre un niveau élevé de qualité le plus tôt possible. Raison pour laquelle il écrit très lentement à la main un premier jet déjà très complet, puis corrige ce dernier en général une seule fois pour la première impression.

CONSEIL n° 8 : Avoir une « philosophie de vie »

D’après Jack London, un écrivain à succès a une véritable originalité, une sincérité qu’il puise dans l’expérience vécue et la réalité factuelle.
Il a sa propre manière subjective de voir le monde qui entraîne un élargissement de la conscience du lecteur. Une vision des choses qui est le fil directeur de l’œuvre de l’écrivain.e et peut même, parfois, atteindre une dimension universelle la rendant immortelle par sa capacité à transcender les époques et les hommes.

Mais comment faire alors pour développer sa philosophie de la vie en tant qu’écrivain.e débutant.e ? C’est heureusement possible grâce à deux méthodes :

  • Élargir ses perspectives sur l’existence en cultivant connaissance et expérience
  • Poser la main sur le pouls intérieur des choses

Tout écrivain ayant eu du succès de façon permanente a possédé cette philosophie.

CONSEIL n° 9 : Assumer la quête de la réussite sociale

Qu’il soit matérialiste ou idéaliste, aucun écrivain normal n’est insensible aux avantages attachés à sa possession [l’atout du nom].

Quoi qu’on en dise, on se met quand même souvent à l’écriture par ambition.
Et, si la première obsession est de vivre de sa plume, n’oubliez pas que c’est le cas pour toute la chaîne de production d’un roman (le patron de la maison d’édition, le rédacteur en chef, l’éditeur, le relecteur…). C’est un état de fait qu’il faut donc accepter.

Jack London défend ainsi sans honte le bien-être matériel de l’écrivain.
Raison pour laquelle il négocie toujours ses tarifs à la hausse, conteste systématiquement et par principe le décompte de l’éditeur, monnaye sa renommée… Après tout, son prestige n’est-il pas mérité après tant d’efforts ?

Néanmoins, s’il défend le droit à l’ambition et à une vie matérielle correcte pour l’écrivain, Jack London n’en reste pas moins très dur contre les hypocrites. Il n’est, par conséquent, pas acceptable de chercher à réussir à n’importe quel prix, notamment :

  • Par le scandale
  • En sacrifiant la qualité
  • En recourant à une starification artificielle

Il convient, au contraire, de séduire le public tout en restant fidèle à sa philosophie de vie telle qu’analysée dans le conseil n° 8.

CONSEIL n° 10 : Se méfier du monde de la littérature

Les rédacteurs en chef de magazines sont des hommes d’affaires durs et sans principes.

  • Des maisons d’édition

Jack London a gardé une très grosse dent contre les rédacteurs en chef et éditeurs qu’il qualifie de criminels. Il faut dire qu’ils l’ont beaucoup fait souffrir au cours de sa carrière, que ce soit en :

  • Ne lui répondant pas
  • Laissant le manuscrit moisir pendant des mois
  • Procédant à tant d’annotations que le manuscrit devient inutilisable
  • Faisant des « directs à l’imprimerie », mais sans envoyer d’exemplaire à l’auteur ou sans respecter les délais de paiement ou sans obtenir un accord tarifaire, voire en décidant abusivement qu’il s’agit d’une « contribution gratuite »

Ainsi, si l’aléa pèse sur succès d’un livre, les rédacteurs en chef et compagnie sont toujours là pour s’enrichir dessus. Et seul.e.s les écrivain.e.s de premier ordre peuvent réussir à inverser la tendance. Une fois sa notoriété faite, Jack London refusait par conséquent souvent les corrections des éditeurs.

  • Aux critiques

Il ne pouvait toutefois rien contre les critiques littéraires malfaisants qui ne font pas sérieusement leur travail quand ils ne sautent pas purement et simplement l’étape de la lecture.
Comme ce fût le cas pour cet éloge enthousiaste d’un critique concernant une de ses nouvelles sur la ruée vers l’or. Lequel était en réalité fondé uniquement sur la lecture de la table des matières l’ayant menée à penser qu’il s’agissait d’une histoire de mer.

  • En passant par les écrivains eux-mêmes !

À l’inverse, les écrivains en prennent également pour leur grade. Jack London reproche à certain leurs demandes insistantes qu’il se mue lui-même en critique pour ensuite lui reprocher sa franchise. Dans ce milieu, il semble qu’il n’y en ait pas un pour rattraper l’autre !

Pour conclure sur ces dix conseils surprenants d’un grand auteur, on peut observer qu’ils rejoignent ceux d’autres auteurs, comme Stephen King.

Toutefois, Jack London se distingue par son grand pragmatisme et son parler sans tabou. Celui de quelqu’un qui s’est hissé à sa position à la force de son poignet et a été confronté à la corruption de ce milieu. Il a eu à déplacer des montagnes pour s’imposer et la profession d’écrivain s’en trouve démystifiée pour lui.

Ce qu'il faut retenir

Auteur au prestige forgé à la force de son poignet, Jack London ne mâche pas ses mots quand il s’agit de distribuer des conseils d’écriture (ou des coups de poing à tout le monde).

Ses 10 conseils les plus importants sont les suivants

  • Lire et étudier tout au long de la vie
  • Être discipliné dans son travail d’écrivain
  • Travailler comme un fou, surtout en tant que débutant.e
  • Partir des besoins du public, même si la masse informe de ce dernier mérite bien quelques claques
  • Commencer petit pour mieux travailler sa renommée
  • Persévérer dans l’adversité
  • Cultiver un style simple et efficace, à l’aide de règles intemporelles et d’une analyse fine des attentes du moment
  • Avoir une « philosophie de vie » qui démarque des autres écrivains
  • Assumer la quête de la richesse et du prestige
  • Se méfier du monde de la littérature constitué d’experts avides et prompts à n’enrichir qu’eux-mêmes

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