DISCLAIMER NOVEMBRE 2020 – NANOWRIMO
Afin que Tango et son équipe de zélés rédacteurs puissent se concentrer sur l’incontournable National Novel Writing Month ou NaNoWriMo, lepangolin.com interrompt en novembre la publication habituelle des articles !
En attendant la reprise du rythme normal (Lecture – Recherche – Écriture) le 9 décembre 2020, régalez-vous avec ces recommandations de lecture !
Alana et l’enfant vampire est un roman de Mx Cordélia destiné aux plus de douze ans, qui raconte comment la fille d’un couple de Médiateurs vampiriques trouve sa place dans ce métier dangereux malgré son handicap physique.
Je ne le lis pas souvent de romans jeunesse et, bien qu’abonnée à des livres du type « J’aime lire » dans mon enfance, une lecture par mois ne me suffisait pas. J’ai par conséquent dévalisé la bibliothèque de mes parents et proportionnellement lu beaucoup plus de romans destinés aux adultes. Gardez donc en tête qu’il m’est difficile de juger un livre pour enfant en lisant cette critique.
Un encouragement à la lecture
Pour Alana et l’enfant vampire de Mx Cordélia, L’éditeur a fait le choix de certaines mises en forme, notamment pour les messages téléphoniques, les notes et l’écriture manuscrite.
Je suis souvent sceptique face à ces choix car ils peuvent sortir le lectorat de son immersion. Mais cela me semble tout indiqué dans un roman pour enfants dont le but est d’encourager à lire, puisqu’une mise en page ludique ravive l’attention et attise l’intérêt.
Je mets cependant un bémol sur certaines des polices de caractères sélectionnées et l’utilisation de lettres noires sur fond gris. Cela peut rendre la lecture fastidieuse aux personnes ayant des problèmes de vue ou de lecture.
Le style oral de l’œuvre adopte le point de vue de son héroïne et plaira certainement aux plus jeunes. Cela implique une utilisation de la langue qui n’est pas toujours correcte dans la narration, mais qui favorisera l’amour de la lecture chez des personnes qui ne la maîtrisent de toute façon pas encore. Pour moi, c’est donc un parti-pris payant lorsqu’on souhaite encourager des enfants à lire davantage.
Le personnage d’Alana s’adresse aussi directement aux lecteurs, ce qui peut favoriser l’immersion et cette sensation d’être accueillie par le livre. Cependant, cette caractéristique n’apparait qu’à la seconde moitié du livre et je l’ai donc trouvée un peu discordante par manque d’homogénéité.
Mx Cordélia révèle par ailleurs ses sources d’inspirations, mentionnées explicitement dans le texte : Entretien avec un vampire de Anne Rice, Mercy Thompson de Patrica Briggs, et même Twilight de Stephenie Meyer… J’ai beau personnellement ne pas aimer les mentions datées dans un roman, je trouve que donner aux enfants d’autres pistes de lectures est une excellente idée ! Et je salue l’initiative de citer des autrices, encore trop invisibles dans nos paysages littéraires.
Trouver sa place et se réaliser
Bien que le roman parle de vampires, le cœur émotionnel de l’histoire ne tourne pas autour d’eux. Il aurait tout aussi bien pu s’agir d’un récit traitant de zombies ou de loups-garous…
Notre protagoniste, Alana, rêve de devenir une ambassadrice humaine auprès des créatures de la nuit, et donc de ne plus être exclue des missions de Médiation durant lesquelles sa famille l’abandonne.
Mais ce rêve lui paraît irréalisable car elle est nulle en sport — pire que cela, percluse de douleurs constantes — alors que les missions impliquent de savoir a minima se défendre. Elle va petit à petit découvrir que si ses douleurs handicapantes ne vont pas disparaître, cela ne signifie pas que son objectif est hors de portée.
C’est donc un récit de réalisation de soi, qui parle de « trouver sa place » auprès des autres quand bien même on ne correspond pas à la norme sociale. La question au centre du livre est « suis-je capable, suis-je à la hauteur ? », et se transforme en « comment vais-je pouvoir ? »
Une inclusion parfois mal intégrée
Le seul vrai bémol que j’apporterais à ce roman se situe au niveau de la structure thématique de l’œuvre. C’est assez minime, et je pensais être la seule à l’avoir remarqué, mais je ne suis finalement pas la seule à m’en être fait la réflexion : il s’agit d’Oli.
Dans ce roman, Alana se demande si elle sera capable de devenir Médiatrice, Joâo se demande s’il sera capable de retrouver une vie normale et Oli… n’a pas d’intrigue. C’est un peu dommage, puisque ce livre rentre dans le cadre typique d’une étude thématique : comment surmonter un obstacle physique (le handicap), ou social (les rapports entre humains et vampires), et Oli, l’électron libre de ce récit.
Ce qui est dommage, ce n’est pas qu’Oli existe, non. C’est un bon personnage, nécessaire à l’intrigue. Ce qui est dommage, c’est que la révélation personnelle d’Oli cadre avec la thématique du roman mais n’est pas intégrée dans l’intrigue, et tombe donc un peu comme un cheveu sur la soupe.
J’aurais personnellement apprécié que son évolution passe aussi par le filtre du « suis-je capable », d’autant plus qu’il n’aurait pas été très difficile d’inclure son propre dilemme interne en filigrane dans le récit. Par exemple en suivant les questions : « Suis-je capable d’admettre cela aux autres, ou à moi-même ? Suis-je capable de me trouver alors que je ne sais pas ce que je cherche ? »… Ici, le récit donne une réponse sans poser la question.
C’est donc mon seul regret de lecture, mais vous allez voir que le point suivant compense largement ce défaut structurel.
Des sujets graves mis à la portée des enfants
Quand on est adulte, on ne perçoit pas les histoires comme le font les enfants.
Des récits qui nous enchantaient paraissent soudain effrayants, et leurs implications sinistres. L’expérience et le vécu nous en peignent une version plus réaliste, dont les enfants sont normalement épargnés.
Je pense que c’est le cas pour ce livre : un adulte pourra trouver certaines de ses implications horribles, alors qu’un enfant les accueillera sans arrière-pensée. C’est ce qui, selon moi, fait la force de ce récit.
La création de vampires enfants aborde de plein front la notion de consentement, de domination de l’adulte par l’enfant, et de maltraitance.
Les conséquences impliquent un traumatisme durable, malgré une fin joyeuse, et un changement de vie irrévocable. En plus de cela, les brimades répétées des adultes envers les douleurs d’Alana ont retardé l’exploration et le diagnostic de sa souffrance.
J’allais ajouter qu’il nous manque le point de vue de Oli pour compléter l’approche, mais je pense que l’intrigue d’Alana met assez en avant les dégâts causés par le refus de croire quelqu’un. Ici, un double emploi aurait en plus été double peine pour les lecteur·rices qui se reconnaissent en Oli et vivent très pesamment ce rejet au quotidien.
Admettre ses faiblesses pour les surmonter ensemble
Les adultes ne sont pas idéalisés ni mis en avant comme s’ils détenaient un savoir omniscient qui leur donnerait le droit de dominer les enfants.
Certains agissent de manière positive, d’autres non, et ce quelles que soient leurs intentions. Ils sont présentés comme faillibles, bien que certains soient d’un grand secours et de bon conseil. La relation entre les adultes et les enfants est donc ici basée sur la confiance et non un rapport de domination.
C’est un message très fort qui fera écho à l’expérience de tous les enfants, et leur permettra de se sentir entendus et compris dans leurs propres douleurs.
Ce livre pourrait leur donner la permission nécessaire à mentionner leurs souffrances, voire à se défendre face aux personnes qui leur font du mal. En somme, si un parent vous déclare qu’il s’oppose à ce message, offrez ce livre à leur enfant.
Conclusion sur Alana et l’enfant vampire de Mx Cordélia : un excellent roman jeunesse
Malgré des inégalités dans la qualité du texte, ce livre reste un très bon moment de lecture, idéal pour un enfant réfractaire !
J’ai beau faire partie des lectrices qui n’ont pas eu à être encouragées à lire (voire plutôt l’inverse), je sais que ce n’est pas le cas de la majorité des gens. Un enfant devrait se sentir accueilli par ce roman, où le format ludique et le style oral devraient la ou le rassurer sur son droit à ne pas être, à douze ans, agrégé·e de littérature ès thésaurus.
Le message de fond est également très positif et bienveillant, ce qui à mon sens pourrait faire de cette histoire un livre « doudou » et rassurant pour les enfants (de tout âge) à qui ce type de lecture a manqué.
En tant qu’adulte férue de littérature je reste un peu sur ma faim, et je me demande si ce roman n’aurait pas bénéficié d’être un tout petit peu plus travaillé, voire développé en série, tant son univers soulève de questions.
Cependant, comme Mx Cordélia continue d’écrire et que ses textes se bonifient de publication en publication, je m’attends à lire bientôt ce qui m’a manqué ici. J’ai en somme passé un excellent moment de lecture avec Alana et l’enfant vampire, qui propose une intrigue divertissante, atypique, drôle et bienveillante, moins centrée sur l’action que sur la réalisation de soi.
Cerise sur le gâteau, l’illustration de couverture par Mathilde Cabrol est tout simplement somptueuse !
Ce qu'il faut retenir
- Ce livre encourage les enfants à lire
- L’intrigue se focalise sur la réalisation du soi malgré les obstacles
- Le récit met à la portée des enfants des sujets graves et importants
- Malgré quelques bémols, c’est un excellent roman jeunesse
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