Un des rares mammifères à écailles, le pangolin, du malais pengguling pour « enrouleur », est également appelé fourmilier écailleux. Eu égard, selon toute logique, à son régime alimentaire myrmécophage et à son armure naturelle dans laquelle il s’enveloppe pour repousser même les lions les plus affamés ! Un trait distinctif frappant qui a tendance à masquer le fait que le pangolin reste un animal largement méconnu.
Et ce n’est d’ailleurs pas en raison de la Journée mondiale du Pangolin (le 3e samedi de février), qui promeut auprès du grand public sa reconnaissance et sa préservation, qu’il a été récemment mis sous les feux des projecteurs. Mais à cause du Coronavirus Covid-19 !
Les caractéristiques communes du pangolin
Tous les pangolins partagent une série de points communs qui permettent de les identifier du premier regard comme appartenant à cette vaste famille des Manidés étalée d’Asie en Afrique.
Une armure d’écailles impénétrable
Difficile de parler des pangolins sans mentionner leurs impressionnantes écailles.
Composées de kératine (poils agglomérés), elles arborent des couleurs souvent adaptées à leur environnement sableux ou terreux. Elles peuvent même se hérisser pour faire fuir les attaquants les plus téméraires.
Elles recouvrent toutes les surfaces supérieures et latérales de leur corps, jusqu’au bout de la queue. Seules zones non protégées : le museau, le ventre et l’intérieur des pattes. Ce qui explique que le pangolin s’enroule sur lui-même et glisse sa tête sous sa queue pour parfaire son armure en cas d’agression.
Si on ajoute à ce panel d’armes défensives déjà bien étoffé, des glandes émettrices de substances nauséabondes, on comprend rapidement pourquoi le pangolin résiste bien à ses prédateurs naturels. Grands félins, chacals, pythons et chouettes n’ont qu’à bien se tenir !

Un look à faire craquer
Peut-on faire plus adorable qu’un pangolin ?
Une question dont la réponse sera selon toute vraisemblance fort peu objective sur ce site. Raison pour laquelle nous effectuerons une comparaison sincère avec l’incarnation de la mignonité terrestre : les chats, qui ont conquis Internet.
Il apparaît alors que les pangolins sont indéniablement armés pour faire concurrence aux plus ravissants des chatons. Comme eux ils sont en tout cas équipés :
- de 4 pattes garnies de griffes surprenantes leur permettant de fouir le sol.
(Là où celles des chats ont pour utilité principale de laminer rideaux et canapés laissés sans surveillance.) - d’une adorable tête en triangle ornée d’un mignon museau abritant une langue adaptée à son régime alimentaire.
(Certes, le triangle est étroit, allongé et dépourvu d’oreilles, tandis que la langue s’étire sur plusieurs dizaines de centimètres ; mais l’ensemble n’est pas moins mignon que pour un chat.) - d’une queue intrigante, dont la taille varie de 40 à 60 cm selon les espèces et qui leur sert à parfaire leur protection écailleuse.
(Là où celle des chats ne sert qu’à se faire marcher dessus pour mieux lacérer les pieds indélicats ou à dévoiler de façon éhontée un arrière-train découvert.)
Conclusion : Si ce n’est pas a minima un ex aequo, c’est que vous n’avez pas de cœur !

L’essentiel de son poids repose par conséquent sur les pattes arrière.
Le régime alimentaire
Cependant, si c’est la langue du pangolin qui vous perturbe, le jury fera preuve de bienveillance. Chez certaines espèces, elle est plus longue que leur corps (jusqu’à 40 cm), en plus d’être gluante à souhait pour attraper fourmis, termites et autres invertébrés insectoïdes.
Un instrument indispensable pour un animal édenté qui compense cette absence de dents par l’ingestion de petits cailloux, mais dont il faut concéder la dimension peu ragoûtante. (Je rappellerais toutefois à l’accusation que la langue des chats est rugueuse en plus de servir à l’autoanulingus.)

Des caractéristiques éthologiques récurrentes
1. Ce plantigrade myrmécophage à tendance bipède apprécie particulièrement les sols sableux ou terreux qu’il peut fouir à la recherche de bestioles grouillantes à attraper de sa langue. Ce solitaire est plus volontiers nocturne et habite de profonds terriers, même si certaines espèces ont adopté un rythme diurne ou un mode de vie arboricole.
2. Côté cœur, le pangolin n’est pas un très grand romantique puisque mâles et femelles ne se rencontrent que pour la reproduction.
Après une gestation de période variable selon les espèces (de 100 à 165 jours), la pangoline donne habituellement naissance à un seul petit (qui s’appelle Toto ou Gérard). Comble de la mignonité, ce dernier s’accroche au dos ou à la queue de sa mère pour l’accompagner dans ses déplacements, jusqu’au sevrage qui survient au bout de trois mois. (Tellement plus pratique que de trimbaler son rejeton dans sa bouche, non ?)
Le pangolin est l’un des rares mammifères non humains connus à être capable de marcher sur les pattes arrière
(comme le gibbon et le nasique), en utilisant sa queue en guise de balancier.
3. S’il est communément admis que la vue du pangolin n’est pas exceptionnellement développée, son odorat et son ouïe sont bien plus affûtés. Ces sens lui permettent de repérer proies et congénères présents sur ou à proximité de son territoire, qu’il marque d’ailleurs à l’aide de fèces et urines.
4. Enfin, quoique globalement silencieux, il arrive aux pangolins d’émettre des sifflements forts en cas d’agitation ou de souffler bruyamment lors de la recherche de nourriture.
À partir de ce moule commun, les pangolins se déclinent en une importante variété de formes : du pangolin à longue queue — qui est le plus petit en taille, mais possède le plus grand appendice caudal — au pangolin géant dont le mâle peut atteindre 1,50 m de long.
Cependant, quelle que soit leur forme, tous les pangolins sont victimes d’un braconnage débridé.
Le mammifère le plus braconné au monde
Les chiffres ne peuvent être qu’approximatifs pour ce trafic illégal. Mais ils indiquent que plus d’un million de pangolins ont été braconnés entre 2006 et 2015 dans le monde. Le Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW) estime qu’au moins 100 000 pangolins par an sont victimes de cette contrebande.
Un engouement pour le pangolin qui ne faiblit malheureusement pas malgré les limitations de chasse mises en place depuis 2016 à la suite de la 17e Conférence des Parties de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES).
Quelles utilités du pangolin ?
Bien que composées de kératine (la même substance que les ongles humains), les écailles du pangolin sont réputées posséder des vertus particulières. Elles sont ainsi employées :
- dans le cadre de la médecine traditionnelle chinoise pour une variété de maux, des troubles érectiles aux cancers ;
- dans le cadre de pratiques rituelles, notamment la confection de talismans, de colifichets ou d’amulettes amoureuses. Brûlées, elles éloigneraient même les lions ;
- tandis que leur chair est recherchée par nombre de gourmets qui apprécient son goût autant que son statut de plat de luxe démarquant le rang social.
Une variété d’usages qui permet donc de rentabiliser la moindre capture d’un pangolin.
Ce qui explique la flambée des prix à la suite des interdictions et limitations mises en place. Les écailles seules de pangolin se vendent aux alentours de 1000 euros le kilo (voire jusqu’à 3000 $/kilo), tandis que des restaurateurs sont prêts à dépenser 1750 euros pour un animal entier. Le kilo de pangolin sur les marchés asiatiques s’établit autour de 200 à 300 $.
Un animal en danger difficile à protéger
Impossible ou exceptionnellement difficile à élever en captivité, seule la chasse de pangolins sauvages peut alimenter la demande du marché.
Or, le pangolin est particulièrement facile à capturer. Son unique défense étant de se mettre en boule, les braconniers organisés en groupes très mobiles pour échapper aux autorités n’ont qu’à se pencher pour l’attraper.
Outre l’impact du braconnage, les populations de pangolins sont également victimes de la destruction de leurs habitats naturels par une agriculture galopante, qui plus est libératrice de pesticides dans leur écosystème. Or, si les pangolins sont dotés d’armes pour s’adapter à des environnements variés, ces derniers se transforment actuellement trop vite pour leur permettre de suivre.
Les populations de pangolins ont par conséquent chuté drastiquement en Asie, tandis que le trafic illégal glisse progressivement vers l’Afrique pour alimenter la demande.
Selon l’IUCN SSC Pangolin Specialist Group, on observe que les quatre espèces asiatiques sont, soit en danger critique d’extinction (Manis javanica et Manis pentadactyla) soit en danger (Manis Crassicaudata et Manis culionensis). Les quatre espèces africaines sont classées comme vulnérables : Phataginus tricuspis, Smutsia Gigantea, Smutsia Temminckii, Phataginus Tetradactyla.
Les législations sont lentes à se mettre en place pour assurer la protection des pangolins.
Ce n’est, par exemple, que depuis le 1er janvier 2020 que la Chine ne rembourse plus les médicaments à base de pangolin. Le plafond autorisé pour les sociétés pharmaceutiques est tout de même fixé à 29 tonnes de produits par an, soit l’équivalent de 73 000 pangolins. Ce qui limite l’emploi par ces mêmes sociétés de substituts aux écailles de pangolin.
Quel rapport du pangolin avec le coronavirus ?
Dans ce contexte de très fort braconnage, l’incrimination du pangolin comme hôte intermédiaire du coronavirus pourrait-elle contribuer à laisser les populations restantes tranquilles ? Rien n’est moins sûr, car il faudrait avant tout confirmer que l’hôte intermédiaire est bien le pangolin !
Virus, espèce réservoir et hôte intermédiaire
En effet, s’il semble de plus en plus certain que la chauve-souris est l’espèce réservoir du Coronavirus Covid-19 ou 2019-nCoV, l’hôte intermédiaire n’est pas encore déterminé avec certitude.
La chauve-souris présente en Chine est ainsi porteur sain d’un virus dont le génome est identique à 96 % au virus présent chez l’homme. Néanmoins, ce virus n’est pas capable d’être transmis directement à l’homme, car il n’est pas équipé des récepteurs nécessaires.
Des experts chinois ont donc recherché par quelle autre espèce le Coronavirus est passé pour acquérir cette compatibilité humaine. Il ressort ainsi des tests menés sur plus de 1000 échantillons (issus de prélèvements dans la gorge ou les selles) d’animaux sauvages vendus sur les marchés chinois que le pangolin est porteur d’un Coronavirus identique à 99 % par rapport à la souche humaine.
L’ombre d’un doute
Toutefois, ces éléments ne font pas encore l’objet d’une publication dans une revue scientifique et restent donc une hypothèse qu’il convient d’étayer plus fortement. De plus, il n’est pas encore établi que le pangolin faisait partie des espèces vendues sur le marché de Wuhan où l’épidémie a démarré.
Dans le doute, la Chine a tout de même interdit fin janvier 2020 le commerce de tous les animaux sauvages, guidée par le précédent du SRAS en 2002-2003. À l’époque, l’hôte intermédiaire avait été déterminé très rapidement comme étant la civette, ce qui avait permis de prohiber sa consommation pour enrayer l’épidémie.
Mais ce processus d’identification peut également prendre beaucoup plus de temps :
- la connexion d’Ebola aux chauves-souris a pris près de 30 ans à établir
- et la connexion du VIH aux grands singes près de vingt ans.
Bonus : Les huit espèces de pangolins
La diversité physique des différentes espèces de pangolins n’est pas si surprenante lorsque l’on considère qu’il a su s’adapter à des écosystèmes aussi variés que les forêts et les savanes des régions tropicales et équatoriales d’Afrique et d’Asie du Sud-Est.
Le pangolin se décline ainsi en huit espèces réparties en 5 sous-genres : Manis, Paramanis, Phataginus, Smutsia, Uromanis. Plus ou moins bien connues et présentant des caractéristiques distinctes, elles se distinguent par la couleur de leurs écailles, leur morphologie (taille et poids) et leurs modes de vies.
Les pangolins asiatiques
Grand Pangolin de l’Inde / Manis crassicaudata

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Manis — Espèce Manis crassicaudata
Appelations commmunes
Pangolin indien / Grand Pangolin de l’Inde / Pangolin à grosse queue
Habitat
Sous-continent indien, Sri Lanka, Bangladesh, Inde, Pakistan, Népal
Particularités
De 50 à 75 cm pour 10 à 16 kg, il habite aussi bien les savanes arides que les collines boisées au sol meuble jusqu’à 2 300 mètres d’altitude. Nocturne, il s’abrite et met bas dans des galeries profondes (6 m).
Pangolin de Chine / Manis pentadactyla

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Manis — Espèce Manis pentadactyla
Appelations commmunes
Pangolin à courte queue / Pangolin de Chine
Habitat
Sud-est asiatique, du Bangladesh au Myanmar et dans le sud de la Chine
Pangolin des Philippines / Manis culionensis

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Paramanis — Espèce Manis culionensis
Appelations commmunes
Pangolin des Philippines
Habitat
Province du Palawan aux Philippines
Pangolin javanais / Manis javanica

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Paramanis — Espèce Manis javanica
Appelations commmunes
Pangolin Javanais / Pangolin Malais
Habitat
Asie du Sud-Est : Birmanie, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Bornéo, Java, Sumatra, Myanmar, Cambodge, Laos, Vietnam
Particularités
Long de moins d’un mètre, il a le ventre recouvert de fourrure et a adopté un mode de vie arboricole et nocturne.
Les pangolins africains
Pangolin géant / Smutsia gigantea

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Smutsia — Espèce Smutsia gigantea
Appelations commmunes
Pangolin géant / Grand pangolin
Habitat
Afrique de l’Ouest, centrale et australe : Ouganda, Golfe de Guinée, Sénégal, Kenya, Rwanda, République Démocratique du Congo, Angola, Tchad, Soudan, République centrafricaine
Particularités
Les mâles adultes mesurent environ 140 cm pour approximativement 30 kg.
Pangolin de Temminck / Manis temminckii

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Smutsia — Espèce Manis temminckii
Appelations commmunes
Pangolin de Temminck / Pangolin terrestre du Cap
Habitat
Afrique du Sud, Namibie, Zimbabwe, Mozambique, Bostwana, Angola, Kenya, République Démocratique du Congo, Soudan, Tchad
Particularités
Mesurant 34 à 61 cm pour 7 à 18 kg, c’est le plus grand pangolin après le Pangolin géant. Il fréquente les savanes et est absent des zones désertiques et forestières. La femelle est beaucoup plus petite que le mâle, n’atteignant parfois que la moitié de son poids.
Pangolin à petites écailles / Phataginus tricuspis

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Phataginus — Espèce Phataginus tricuspis
Appelations commmunes
Pangolin à écailles tricuspides / Pangolin commun / Pangolin des arbres / Pangolin à petites écailles
Habitat
Afrique centrale : Sénégal, Kenya, Zambie, Angola, Bioko
Particularités
Ce pangolin a également adopté un mode de vie arboricole.
Pangolin à longue queue / Manis tetradactyla

Classification
Ordre Pholidota (pholiotes) — Famille Manidae (manidés) — Genre Manis — Sous-genre Uromanis — Espèce Manis tetradactyla
Appelations commmunes
Pangolin à longue queue / Pangolin tétradactyle
Habitat
Afrique de l’Ouest et centrale : Golfe de Guinée, Sénégal, Gambie, Ouganda, Angola
Particularités
Il est doté d’une queue exceptionnellement longue d’environ 60 cm. Mais il est en fin de compte le plus petit des pangolins. Son abdomen est couvert d’une fourrure sombre au lieu d’écailles et il a adopté un mode de vie arboricole.
Ce qu'il faut retenir
Appartenant à la famille des manidés, le pangolin ou fourmilier écailleux est un mammifère myrmécophage recouvert d’écailles en kératine.
Présent dans les régions tropicales et équatoriales d’Asie et d’Afrique, il est connu pour s’enrouler sur lui-même afin d’être intégralement protégé par son armure naturelle.
Chassé pour ses écailles aux supposées vertus médicinales et sa chair constituant un plat de luxe, il est le mammifère le plus braconné au monde.